22 Long Rifle : jusqu'où ne pas aller...trop loin !

Un récent papier consacré à la cohérence de la petite munition (1) a peut-être laissé planer une certaine confusion sur son efficacité et sa létalité dans des conditions parfois surprenantes. Les boîtes nous avertissent du danger à 1,5 mile, soit 2,4 km. Son efficacité est donnée pour 150 yards (140 m), mais la pratique souvent rabâchée ici, largement inférieure, mais le danger va bien au-delà de la distance où elle est précise (50-100m).

Sa dangerosité peut donc se mesurer à l’aune des accidents causés par son omniprésence certes, mais surtout ses caractéristiques de petit projectile très pénétrant et faisant des dégâts étranges qui laissent souvent perplexes les médecins-légistes. Elle tue plus qu’on le croit, non sur le coup, mais du fait des trajectoires curieuses causées par des déviations sur des os épais. On vit ainsi un chasseur mettre au fourreau une arme chargée, la balle ricochant sur son bras, et tué net, le projectile, ainsi dévié passant entre les côtes et perçant la poitrine de part en part. Et à côté de ça, une victime de tentative d’homicide en prendre 8, et monter sur ses deux jambes dans l’ambulance.

C’est pour cette raison que la distance ne joue en rien dans la moindre létalité, le petit projectile étant toujours très dangereux s’il trouve où se faufiler. L’US Army, et les expérience du colonel J.Hatcher qui testa tout, du 22 LR au 30-06, ont montré qu’à 440 m, la petite balle de 40 grains traversait encore une planche de pin de 1,5 cm avec une cinquantaine de joules disponibles et se montrer, avec les bons outils, encore relativement précise (5 atteintes sur 20 coups sur la cible C 100) même à 600m ! Il y a une vingtaine d’années à Noble (Oklahoma), un garçonnet qui pêchait à la ligne sur un étang fut tué à plus d’un mile par un tireur qui voulait se débarrasser d’un serpent niché dans un tronc d’arbre. On crut à un malaise, car à cette distance on n’entendit pas la détonation, tout comme cette employée de pépinière qui s’affaissa tout à coup dont on crut à une crise cardiaque, et la cause découverte à la morgue, le minuscule orifice d’entrée à la nuque étant caché par ses cheveux. Les responsables étaient des chasseurs de lapins tirant à défilement, un bon kilomètre plus loin.

L’utilisation militaire du 22 LR pour discrète qu’elle fut, a été constante, au Vietnam (2) aux mains des forces spéciales, des Seals, des pilotes de la CIA ou d’Air America (3), des maîtres-chiens avec le pistolet à silencieux Hi-Standard HD 22. Jeff Cooper (4) théorisa l’emploi de ce calibre avec les carabines Beretta Auto, les Israéliens (ci-dessus) à partir de l’Intifada 1987 ont largement employé le Ruger 10-22 contre les meneurs, les agitateurs identifiés, les chiens, les caméras, les alarmes. Les sécessionnistes tchétchènes firent de même dans les combats urbains rapprochés et les éliminations discrètes d’officiers ou techniciens.

A la chasse, le célèbre livre « Into the wild » montre comment C. Mc Candless tue un élan avec une Remington Nylon 66, et comment ce calibre a pu arrêter même des ours (5), des élans chargeant, ou un peu de tout de l’oie à l’orignal chez les Indiens Ojibway, où aucune munition n’est gaspillée. On a vu en Afrique un éléphant tué, sans le faire exprès par un guide qui voulait, en lui « piquant le c…l » le diriger vers son client en embuscade plus loin, et un peu dans le même esprit un jardinier du Montana, excédé par un wapiti qui broutait ses salades, lui tirer pour le faire partir dans la fesse…et tout étonné de devoir l’achever ensuite d’une balle en pleine tête à bout portant ! Internet fourmille de tests de pénétration étonnants où l’on voit des balles standard traverser de part en part à 200 m une dinde congelée enroulée d’un imper et un tee-shirt. Ces dernières du fait de leur moindre expansion et connotation « chasse » et leur emploi plinking ou « ludique » si on veut (mais peut-on vraiment jouer avec des munitions dangereuses ?), ayant montré une plus forte pénétration au-delà de 50 m.

Tout ça pour dire qu’en temps de guerre, où on expédie des milliers de projectiles dans le ciel sans trop savoir où ils retombent, vaut mieux garder la tête baissée…

1/ Voir notre archive du 14 décembre dernier. 

2/Le célèbre sniper Carlos Hathcock (1942-1999), 93 victimes officielles, mais sans doute trois fois plus au Vietnam débuta le tir précis avec une Stevens modèle 15, encore vendue dans les grands magasins (Sears, etc.) jusqu’en 1971. Ci-contre à dr. 

3/Le pilote de l’avion espion U2 Gary Powers abattu le Ier mai 1960 au-dessus de l’Union soviétique en était équipé.

4/Voir notre archive du 25 novembre 2017 sur le fondateur de la Gunsite academy.

5/Voir l’exploit en 1953 de Bella Twin sur un plantigrade de 800 kg dans notre archive du 1^er novembre 2020.