A.B. Frost (1851-1928) : l'esprit de la chasse des "hautes terres"

Nous avons Ryab et Danchin, nos amis chasseurs US ont  également des illustrateurs de talent comme Foster, Frédéric Remington pour le Wild West, et surtout A.B. Frost qui, comme Edward Hopper vint en France en 1906 et 1914 à Giverny pour se frotter aux Impressionnistes. Ses scènes de chasse, colorées et vivantes, sont une merveille de fonds d’écran pour nos ordinateurs…

Juste avant la photographie, les illustrateurs du monde industriel naissant, furent au top d’une peinture annonçant les hyperréalistes ou la bande dessinée et Arthur Burdett Frost qui, paradoxalement était daltonien, un maître de la chasse dite « des hautes terres », celle qui se rapproche le plus de notre billebaude. C’est celle des territoires de l’Est, des premiers états de l’Union, encore marqués par les influences anglo-saxonnes de la chasse, notamment l’emploi des chiens d’arrêt (1). A.B.Frost qui était lui-même chasseur se fit connaître en 1895 par une série de douze lithographies « the shooting pictures » publiées par Scribner illustrant la palette des chasses classiques : gibier d’eau, bécasse, lapin, capturant l’essence de cet instant magique où le chasseur est prêt à l’action, quand le faisan s’envole au nez du chien.

Marié à l’artiste peintre E.L.Philips (1883) il avait été embauché par en 1876 par les éditions Harper en même temps que Pyle, Remington, fournissant Life, Punch, Scribner’s, illustrant au total une centaine de livres : Lewis Caroll, Mark Twain, et surtout « Hunting tips of a ranchman » (les trucs de chasse d’un fermier) de Teddy Roosevelt, futur président des Etats-Unis (2). Deux grandes séries suivirent qui connurent un grand succès : 1903 avec nombre de scènes familiales, et une posthume en 1934, toujours de chasse et qui sont des merveilles d’instantanés.

Pas de poses hiératiques, mais plutôt des portraits affectueux de personnages ruraux et de petits tableaux saisis sur le vif : le chasseur en butte à une cartouche récalcitrante dans un vieux juxtaposé qu’on devine de marque Fox ou Sterlingworth, ou le copain dépité d’avoir raté. Ce sont des images subtiles et d’ambiance que seul un œil attentif pourra placer et dater dans le temps. Ici un métayer noir, ou des auxiliaires de couleur dans les marais transpirent plus des remugles du bayou que de la Sologne, ou encore chevaux et carrioles typiques de la campagne quaker. Ses études de chiens sont parfaites et nous montrent que de l’autre côté de l’Atlantique, il existe aussi des passionnés de la longue quête des setters, des pointers et des braques.

Canadiennes élimées, barbours à cols en velours côtelé, guêtres et leggins passés de mode, bobs informes montrent bien qu’on n’est pas dans la Beauce, mais tout chasseur, malgré le temps et les modes vestimentaires se retrouvera dans cette peinture de l’instant où l’adrénaline tout à coup de relâche, voire au contraire l’attente silencieuse fait monter la pression quand les halbrans sont en approche. Par-delà le temps, et l’espace la chasse reste un langage que nous partageons tous.

1/ Voir nos archives du 4 septembre 2020 (biographie de Georges Bird Evans), 22 août 2020 (ces chasseurs US qui nous ressemblent), 16 juin 2020 (biographie de W.H.Foster).

2/ Voir portrait de T.Roosevelt (archive du 7 janvier 20020).