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FCM 25.00
23 janvier 2021

Les gaités du rechargement

On a tous, sur nos étagères assez de munitions pour aller jusqu’au bout de notre vie de chasseur, et pourtant à quoi rime de recharger ? Faire des économies (1), et encore si on tire beaucoup dans des calibres désuets genre 16, 20, 28 ou 410 ? Est-ce une addiction à cette odeur de vanille qui émane des cartouches en carton ciré ou la patiente alchimie visant à déchiffrer les grimoires sur les poudres « T », Nobel, Vectan qui nous motive ?

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Pour nous il s’agit d’une thérapie en sous-sol qui nous tient à l’écart de l’écran d’ordinateur et de la buvette, l’échappatoire d’après-midi pluvieux où rien ne vole, le prétexte à descendre à la cave sans avoir à expliquer à son dragon, ce que l’on fait pendant des heures, au milieu d’une partie des fusils, des cuissardes encore ruisselantes, des vieux paletots troués, et de l’entassement de leurres et de formes multicolores, le noir profond des corneilles faisant tache au milieu des colverts et des palombes. C’est un passe-temps amusant et distrayant évocateur de tant de souvenirs, tout ce petit matériel hérité, pour le douze, d’un grand-père décédé naguère, et pour le seize d’un vieux bonhomme voisin qui sentant l’approche de la Camarde, trouva un nouveau disciple à qui transmettre sa passion du vieux calibre français. 

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Quand on aime la chasse, la balistique, les armes anciennes aux alésages bizarres et dont les munitions ne sont pas trop disponibles dans le commerce, c’est un peu contraint et forcé qu’il faut se tourner vers toutes ces petites opérations manuelles surtout intéressantes quand on cultive le goût de personnaliser son râtelier, la volonté d’avoir un contrôle total sur son petit arsenal de chasse. Ce n’est pas tant qu’il faille abandonner sa confiance aux armuriers, mais c’est aussi une profession qui a évolué, s’est raréfiée sous les coups de la mondialisation, et ça devient un passe-temps relaxant et amusant en soi, de gérer le plus possible et de personnaliser armes et munitions. Ce qui passe par une autre « chasse » où on fait aussi de belles rencontres avec des copains, autres que sur Internet ou les chaînes TV dédiées, et un état d’esprit voire une culture qui permettent d’optimiser la « chine » dans les vieux greniers, les relations autour de vieux « trucs » improbables, un « fourbi » que ne comprendront jamais ni les béotiens, ni les épouses  : cartons de bourres « Gabel », burettes d’huile de lin, mystérieux onguents aux remugles incertains, vieux bidons verts et rouges de poudre « T » ayant échappé aux entreprises cotonneuses des tégénaires.

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C’est aussi l’art d’accommoder, comme en cuisine, les restes : les étuis tirés sont soigneusement conservés à l’abri, le plomb provient de cartouches en ruine, noyées dans l’inondation d’un garage voisin, les fonds de bocaux de plomb de 8 ou de 4 permettant de produire ce qu’on veut, quand on le veut, pour le vieux seize, sans s’inquiéter d’aller à la ville voisine surtout en période actuelle de confinement. C’est la flexibilité par excellence, où on se « roule » une petite série d’une dizaine, 28 grammes bien pesés, à 360m/s et guère plus (2), dans des mélanges improbables genre 6-4 (3), sans trop de pression pour la vieille bascule Philippon, qui date des années 50 car encore chambrée 65. On se convainc aisément qu’elles sont meilleures que celles achetées en magasin…ce qui est d’ailleurs rarement le cas, sinon après beaucoup d’essais le plus souvent infructueux.

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Mais on se les garde « pour la bonne bouche », les dimanches matins frisquets de l’arrière-saison où quasiment tout est fermé, qu’on fait tout juste encore « le pied » pour le sanglier, le fusil sous le bras et résultat pas forcément garanti sur le colvert abruti ou inconscient qui passe presque à portée. On tire surtout pour l’odeur de la Cheddite qui nous renvoie vers le passé, et aussi pour avoir une bonne occasion de recharger, activité lente et minutieuse qui nous va bien à nous autres qui maintenant, chassons aussi…au ralenti.

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1/Tout bien pesé, j’ai fait le calcul en douze, approvisionnement chez Gilles à Flers, ça fait la cartouche autour de 0,40 centimes, et le jeu en vaut à peine la chandelle face aux premiers prix des cartouches de sport. En 16, c’est plus intéressant, mais il faut alors tirer beaucoup. On se persuade qu’on fait des économies, mais comme on l’a dit plus haut, ce n’est pas l’objectif principal du rechargement.

2/Le principe de la faible vitesse date du temps de la poudre noire et de l’absence de chokes où on avait observé pour le tir aux oiseaux qu’il valait mieux tirer lourd et lent (moins de poudre, plus de plomb) que rapide et léger pour la pénétration. Après la Grande Guerre, Américains, Anglais et européens ont fait leur chemin avec des opinions assez divergentes sur les niveaux de pression et de vitesse pour les différentes chasses, les Britanniques étant généralement au-dessous, du fait de leur utilisation de fusils plus légers. Des articles connus dans American Rifleman (E.Harrison en août 1966, et R.Forsyth en juin 1987) réactualisèrent ce vieux principe. On en attendait moins de recul et de détonation, donc de confort de tir, pas plus de choke que demi, une gerbe plus serrée au cœur du motif pour être efficace loin, à la sauvagine. L’exemple de chargement donné dans ces revues était pour chambre 70, 325m/s, 1,30 gramme de poudre Green Dot (et donc bien au-dessous de nos 1,75 de A 1, les deux poudres étant pourtant presque identiques en termes de performances et de densité), une charge de plomb 1 ¼ soit 35, 43 grammes emmenée par une bourre à jupe Claybuster.

3/ Ces charges « duplex » qui se généralisent (chevreuil, corvidés, renard) sont à double tranchant car la gerbe s’allonge exagérément, les gros plombs poussant les petits qui vont dans tous les sens, et donc également effet dispersant. D’après l’expérience de Lowry, il y a 5% de densité de motif en moins par rapport au tir d’une taille de plomb identique. Nous ne sommes plus dans un motif cohérent qui sied au tir de compétition, mais dans un désordre balistique qui peut certes valoir sur le terrain, mais le tout étant de trouver le bon équilibre.

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