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26 janvier 2021

Les avatars de la détente unique

Pourquoi la première queue de détente est à droite et fait tirer le canon…droit, ou inférieur sur un superposé ? Comment la « double effet » bien connue chez nous et quasiment seulement proposée  par Verney-Carron et a priori idéale, ne s’est pas développée ? Des questions semble-t-il stupides, maintenant qu’on a le choix de mono-détentes devenues fiables certes, mais après une bonne centaine d’années de tâtonnements.

photo de garde 1

 

Si la juxtaposition par soudure des canons date en France de 1730 (1), la première détente unique fut proposée par John Robertson de chez Boss en 1894. Au XVIIIè, la façon raisonnable de construire et placer côte à côte les canons sur un plan horizontal fit mettre la première platine à droite du fait de l’armement facile avec le pouce pour un droitier. Ce fut un développement linéaire depuis le silex, ce placement éloignant en plus le visage du tireur des étincelles et autres échappements de pulvérin sortis du bassinet. La percussion suivit ce schéma, tout comme l’hammerless malgré la disparition des chiens de l’horizon visuel du tireur.

John-Olin-at-King-Buck_s-Grave

Les superposés ne se généralisant qu’au XIXè, du fait des chokes encore fixes, on préféra faire tirer le canon du bas en premier coup, par défaut, car il était plus près de la « poche » d’épaulement, et surtout dans son axe : moins de torsion, meilleur temps de récupération. C’est d’ailleurs pour la même raison que John Olin (2) de Winchester-Western (ci-dessus à dr. )et quelques autres fabricants (LC Smith par exemple) proposèrent des prototypes de juxtaposés faisant tirer le canon gauche en premier, et bien évidemment en inversant les chokes. Ils n’aboutirent pas à la commercialisation, mais ils tenaient compte que, pour un droitier, le canon gauche en se « tordant » en haut à gauche, rapprochait la crosse de la joue du tireur au lieu de l’éloigner, et favorisait la remise en ligne rapide pour le second coup. Le recul qui pousse le canon en droite ligne vers l’arrière et la plaque de couche qui, si on épaule bien, est à l’aplomb du plan du canon va le tordre vers la zone de moindre résistance, vers le haut à gauche pour le canon gauche et à droite pour le canon droit.  C’est cet effet de « cisaillement » bien connu des juxtaposés que visaient à contrer les dispositions particulières des canons : frettés, demi-bloc, etc.

infaillible

John Robertson, parmi des dizaines d’autres, trouva le premier la manière de résoudre le principal obstacle initial de la détente unique qui était le tir involontaire simultané des deux canons suite au recul, que l’homme d’affaires et inventeur américain Allan Lard perfectionna via six brevets entre 1899 et 1915. Agent de la firme Westley-Richards, un millier d’armes portant cette célèbre griffe furent faites à partir de 1909, leur succès de fabrication étant lié, contrairement à la production de masse américaine (rivets et chevilles contre vis) à un travail sur mesure permettant de l’appliquer même aux fortes carabines doubles de la marque.

unter one trigger

L’idée étant dans l’air la concurrence fit alors rage à partir de 1901, sur brevet Lard du H.O.T. (Hunter One Trigger) de la firme de Fulton (NY) faisant L.C.Smith (3), et « l’Infaillible » (brevets 1907 à 1912) de A.H.Worrest de Lancaster Arms, une firme de Pennsylvanie. Cette simple détente alimenta Lefever, et surtout SDG Shoverling-Daly-Gales (4) qui le fit breveter en France en 1908, puis en Allemagne d’où venaient ses importations Lindner l’année suivante, sans nom d’inventeur. Ithaca qui y vint en 1915 fit ensuite appel à un tireur sportif et inventeur de talent Elmer E.Miller de Pennsylvanie (vainqueur du Grand American Handicap en 1939, décédé en 1952…mais la firme existe toujours) pour proposer à partir de 1920 une détente plus sûre que les concurrents. Il arrivait en effet qu’une arme ne tire qu’une fois, ou les deux canons à la fois ! Le système Miller lançait aussi la controverse tir-chasse sur l’emploi de la détente unique que l’on entend toujours actuellement avec les arguments développés déjà ici (5).

miller-card-2

Un désaccord commercial (Ithaca facturait plus cher sur ses armes d’origine, le déclencheur que Miller installait sur les Ithaca clients !) vit la firme new-yorkaise monter (1928-1931) son propre système N.I.D. avec l’aide de son ingénieur Harry Howland qui ne fit que compliquer pour le contourner le brevet Miller,  lequel mit 20 ans à se peaufiner ensuite avec les fils Howard et Irvin Miller. Il fallait à cette époque, ajouter un bon tiers du prix d’une arme de base pour monter ce système évolutif, d’abord non sélectif, certes fiable, mais qui nécessitait un gros travail interne sur les bois, et surtout était ensuite irréversible. Il se fit notamment connaître à partir de 1930 sur le superposé Remington 32, et son modèle Krieghoff. Nous avons expliqué cette filiation dans notre dossier en trois épisodes sur les superposés de la firme d’Ilion dans notre archive du 4 mai 2019.

Dans la foulée de son père décédé à la tâche (1926) à Herstal, Val Browning qui finalisa « the superposed » (1931) inventa le dispositif à inertie en 1936, puis le dispositif actuel trois ans plus tard. Avant 1938, la FN mettait à disposition outre le standard à deux détentes, un non sélectif réglé en usine pour l’ordre de tir, notamment apprécié au skeet, et un sigle twin trigger à double effet sur la première détente, arrêté en 1938 quand sortir le Lightning (6). Ce système de double-double était connu depuis1924, fut proposé un moment par Winchester (sur une variante du mod. 101), Armunits, Laurona, et bien sûr toujours de nos jours par Verney-Carron, principalement sur ses fusils bécassiers. De ce côté, c’est Beretta qui est assurément allé le plus loin avec un projet de détente pivotante sur un juxtaposé où la disposition du doigt en haut ou en bas de la détente faisait tirer l’un ou l’autre canon. Disposition qui aurait été particulièrement intuitive sur un superposé, mais qui ne dépassa pas le stade de l’ébauche.

browning

Techniquement, le double effet semblait demander techniquement trop aux armes des années 70-80, et se heurta à la moue sceptique des armuriers répugnant sans doute à se pencher sur les entrailles de la bête en cas de retour clientèle. Certains s’empressaient même parait-il de le « débrancher » pour éviter tout contentieux ensuite ! On retrouve d’ailleurs cette notion de technicité et de coût sur la remonte actuelle d’une détente Miller aux USA où certains nostalgiques cependant ne manquent pas de moyens : prévoir quand même autour de 1000 dollars l’installation. Même parfaitement au point, le double effet, du simple fait qu’il puisse tirer les deux canons consécutivement a toujours semblé signifier qu’il pourrait à un moment, échouer à tirer l’un et l’autre, voire à simultanément les deux en même temps…ce qui dans un fusil de 2,4 kg donne toujours à réfléchir !

1/ Auparavant les canons étaient maintenus par le bois de la crosse.

2/Voir notre archive du 10 janvier 21 sur la biographie de J.Olin.

3/Le secteur armurier US n’avait pas de tradition familiale comme en Europe, et fut la proie d’un capitalisme libéral intégral. Leroy et Cornelius Smith étaient au départ associés à Baker qu’ils quittèrent en 1879 pour fonder l’année suivante Ithaca, mais leur nom fut repris en 1888 par John Hunter qui le vendit plus tard en 1945 à Marlin. Le nom de Smith étant parti entretemps sur des…machines à écrire !

4/ Sur Daly, voir notre archive du 27 novembre 2020.

5/Voir notre archive du 16 juillet 2017.

6/En 1970, un brevet « Selexor » sortit même sur les Miroku Charles Daly avant que Browning ne reprenne la main sur ces copies du « Superposed », un petit bouton permettant de commander l’éjection, manuelle ou automatique.

 

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