Le retour du lapin ?

C’était le fond de la chasse française de nos débuts, et c’est une bonne nouvelle. La face chenue des anciens s’illumine encore au souvenir des briquets, des corniauds braillards qui s’agitent sous les ronces et donnent de la voix. Cette aventure de chasse des plus amusantes qui a résisté plus ou moins bien à la fièvre de la myxomatose survivra, espérons-le, à celle…du sanglier !

La vieille école du calibre 16 et de la charge standard de 28 grammes reste bien sûr d’actualité, mais la nouvelle donne armurière et la vogue des petits calibres 29-28 et même 410 offre bien plus de choix qu’en 1970. Les chokes amovibles en premier lieu qui, même s’ils sont toujours là, peuvent faire passer aux oubliettes de l’Histoire cynégétique les artifices « dispersants » qu’on appelait entre nous le « plomb fouinard »…. Adieu donc l’antique « croisillon » remède universel du débutant mal assuré, mais pas trop bien vu non plus des piqueux quand il fallait tirer au nez des beagles ou des fauves de Bretagne. En ces années de ball-trap naissant, le 7,5 trop rapide avec sa gerbe courte et peu pénétrante n’était pas trop populaire. La base des juxtaposés stéphanois massivement présents après-guerre étant demi et plein choke, seuls les spécialistes lapiniers et bécassiers avaient des reforages lisse-quart ou des calibres faisant de vous un « original » comme le 410.

De nos jours, ce serait plutôt le 20 qui aurait détrôné le 16. Sa charge identique de 28 grammes de six que commence à perturber le 28, et les chokes adaptables permettent le grand écart entre le tir « dans les pattes », où la boule de poils est entrevue le temps d’un éclair, puis la saison s’avançant et  les maïs coupés, il faut profiter d’un « clair » plus loin, pour tenter de rattraper le coup. Bien qu’ils soient de nos jours massivement sur le marché, les semi-automatiques légers (1), apparaissent superfétatoires : a-t-on vraiment de trois coups quand on a bien souvent à peine le temps d’en tirer deux ?

Ce qui a évolué de nos jours, bien qu’il reste encore quelques passionnés, c’est la quasi disparition des petites meutes spécialisées de chiens courants. Elles changeaient beaucoup de choses dans la manière de chasser, souvent en de petites équipes de copains également adeptes du furet. Un meneur qui « lançait » et des acolytes chargés de couper devant les chiens la fuite bondissante du garenne. Une connaissance fine donc des terriers et des refuites, entrecoupées de « clairs » où on pouvait tirer sans danger.

Si vous n’avez pas de chien…c’est vous qui le faites ! Il faut un robuste cuissard, fouler les ronciers, battre les fossés et fourrés exposés au soleil, pas loin des ruisseaux, comme le faisaient les anciens, la « fourchine » de coudre à main gauche et le « Robust » prêt à tirer de l’autre. C’est pénible et bruyant, les lapins délogés filent là et au moment où on ne les attend pas. Il faut repérer crottes et grattis, marcher « stop and go » pour les dérouter un peu dans leurs repaires nouveaux, nés des mutations agricoles des seventies : anciennes dépendances envahies par les ronces et les engins rouillés, délaissés, écarts et tas de souches issus des remembrements.

La gale récente du renard semble lui avoir profité, et s’il se chasse en groupe, comme à la bécasse, faut prévoir être vu (vêtu en orange comme en battue), et entendu pour se situer en se « houpant » (3) comme autrefois, et sonnaillons pour tous les chiens même les courants. Et surtout, face à cette cible déroutante également…tirer droit !

1/ Même si on se souvient tous de l’ Arc de chez VC souvent équipé du polychoke, ou du Browning Auto 5  « sweet sixteen » en 16. Il a été refait en 2016 mais selon la technologie inertielle. Le double auto « twelvette » partait également du même principe de fusil léger et particulièrement original en SA car limité à deux coups.  De nos jours, le Beretta A 400 se fait en 12 et en 20, tout comme le Benelli Montefeltro, le Franchi AL 48 AL. Beaucoup de superposés sont concernés par les petits calibres, un « light » comme le Franchi Instinct se décline d’ailleurs dans toute la gamme 12-20-28-410.

2/ Même si on mettait souvent du 4 dans le canon gauche (au cas où partirait un lièvre !) tout ce qui est au-dessous du 6 est excessif. Mais le 8 est trop petit car désagréable à retrouver (difficilement) dans la gibelotte…et de manière grinçante, sous la dent !

3/Ancien terme de vénerie pour s’appeler réciproquement « …appeler son compagnon ou exciter un chien ou un cheval en criant…Houp ! » selon le Littré.