Où sont les 22 "spitzer" et autres "ballistic tips" ?

Après tout, les 17 HMR et Mach 2, et même le 22 Magnum ont bien cette forme aérodynamique censée donner plus de vitesse et d’expansion, et pourquoi notre bon vieux 22 n’y aurait pas droit lui aussi ? Malheureusement pour le vieux pépère au « round nose », et sa bonne trogne au nez rond et bourgeonnant, c’est tout ou rien : qui va lentement va sûrement (et précisément), doucement le matin et pas trop vite l’après-midi, ou alors, en sens opposé, faut foncer tête baissée dans le mur (du son et au-delà !) le plus vite et le plus loin possible, et le plus longtemps.

La balle déjà nous joue des tours : elle est dans un plomb presque pur, très ductile, avec un talon nécessaire car l’étui à parois droites, minces et fragiles en raison des dimensions minuscules de la munition, est du même diamètre que la balle. Ce talon, selon le vieux principe des balles Minié, en « gonflant » sous l’effet des gaz joue son rôle dans l’étanchéité et la prise de rayures, et ipso facto, la précision. Y placer une pointe balistique en polymère serait difficile sur une base plomb molle et irrégulière, souffrant de la chaleur et des manipulations. Si les autres (17 HMR, Mach 2, 17 Aguila, 204 Ruger) y arrivent, c’est justement parce que ce sont des balles sans talon, chemisées comme le 22 Magnum dont l’alésage un peu plus fort (0.224) permet d’utilisé l’extrémité la plus légère des balles 22 à percussion centrale.

C’est le tir à la silhouette, et le Long Range (300-500m), et les travaux sur les munitions Cutting Edge en cuivre, ci-contre à g. à coiffes balistiques ou « spitzer » (1) en cuivre tourné qui ont un peu titillé l’esprit de certains bercés par l’espoir de tirer du 22 « amélioré » tout en continuant d’utiliser leur carabine préférée. Ils ont fait tourner les calculateurs balistiques sur une Stinger coiffée, par hasard, d’un joli petit chapeau pointu, améliorant un peu le coefficient balistique (de 0,095 à 0,140) et la vitesse tout comme la prise au vent, mais sans atteindre la vitesse nécessaire (faudrait plus de 485m/s) à 100m. pour assurer une expansion correcte. Les tireurs utilisant le 22 Hornet avaient également constaté peu de différence entre la munition Standard et V Max jusqu’à 250m.

Le coefficient balistique déjà médiocre de la 22 de base (0.120 à 0.140), pour s’améliorer (0.125, comme les « 17 ») se heurterait, en admettant qu’on ait résolu un centrage parfait de la coiffe, au problème d’une balle plus longue, plus légère (35 grains ?) au centre de gravité déplacé vers l’arrière, qui affecterait le taux de torsion habituel des canons de 1/16. En principe il faudrait être hyper véloce, pour reporter le plus loin possible, jusqu’à la cible, le seuil transsonique, en étant léger avec fort BC et moins de traînée. Les étuis étant loin d’être pleins (1 à 1,5 grain de poudre) peut-être en ayant recours (comme l’Aguila SSS) à un étui raccourci pour rester dans la bonne longueur (1 pouce : 2,54 cm). Le retour aux archives, et les caractéristiques de la balle sud-africaine « Swartklip », une des seules « spitzer » commercialisée (35 grains), malgré une pub agressive (+11 % de vitesse, +12% d’énergie initiale, +8% d’énergie à 100m. trajectoire plus plate et moins de dérive au vent à toutes portées) montra qu’elle ne tint jamais ses promesses, notamment de précision, sa vitesse n’étant que de 427m/s ! Voir ci-dessous à dr. 

C’est en effet toujours le dilemme du 22 LR que de tourner toujours autour des 350m./s et de se heurter comme une mouche contre la vitre, à la transition transsonique, un cap difficile pile poil dans sa distance moyenne d’usage (70m) et où il n’y a que deux choix : rester sous les 330m/s pour être précis à peu près tout le temps, où foncer plein pot le plus loin possible vaille que vaille, comme on l'a dit plus haut,ce que n’aiment ni le plomb, ni les canons. Restent les autres métaux (2), voie choisie par Cutting Edge, mais aussi empruntée dans le passé par l’US Army qui employa des FMF (Full Metal Jacket) pour l’entraînement des troupes ou les services spéciaux pour un usage « discret » au Vietnam dans des armes « silencées » (pistolet High Standard, Remington 66 Nylon). Il s’agissait également de respecter la convention de la Haye (1899) dont d’ailleurs les Etats-Unis n’étaient pas signataires !

Face à la précision requise dans sa distance d’utilisation, la seule augmentation de la vitesse, même avec des artifices balistiques de formes de balle, n’apparaît pas plus intéressant que d’affubler un tracteur agricole d’un becquet aérodynamique pour foncer sur les chemins de terre ! Les carabines et munitions « match » avec des chambres mieux ajustées et des munitions HQ où épaisseur, charge, siège, poids et longueur de balles cohérents, éliminent déjà d’entrée l’emprise comme paramètre initial définissant les courbes de pression, et bloquent la façon dont la balle s’aligne dans l’alésage. Les armes de loisirs ou de chasse ont des tolérances plus larges pour s’adapter à la multitude de munitions du commerce, et leurs cotes variables. Les bandes de conduite peuvent ainsi s’étendre de .2228 (SK Rifle match), à .2242 (Eley Tenex), ou . 2232 (CCI Standard). C’est la raison pour laquelle, il faut sacrifier un après-midi à essayer quelques boites, par séries de dix tirs, si possible sans vent, et ensuite toujours s’y tenir.

1/ Voir notre récent article du 14 février 2022, sur les outils de recoupe des balles 22.

2/ Les 22 HV et Hyper de nos jours, (Remington Yellow Jacket, etc.) contrairement aux apparences, n’ont qu’un seul apprêt métallique dessous c’est du bon plomb dont on fait les vraies balles.