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FCM 25.00
17 août 2022

Solaire, solitaire et bientôt centenaire, le 270 Winchester

Puissant sans être désagréable, tendu, polyvalent et précis, ce calibre né en 1925, possède dans notre pays du fait de la législation post 2013 d’un public nombreux et fidèle. Trop vite prématurément enterré à tort, par une cohorte de prétendants : le 270 Weatherby Magnum (1943), le 7 Remington Magnum (1962), le 270 Winchester Short Magnum (2002), il continue de cavaler dans le peloton de la demi-douzaine de munitions les plus vendues dans le monde.

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C’est le héros de la série « Wild Boar Fever » servant de trame à la pub pour un point rouge célèbre où ce calibre réputé un peu « léger » pour les gros sangliers les culbute facilement aux mains il est vrai de tireurs habiles sur des tirs directs aux zones vitales : tête, cou, jonction de l’épaule. Il s’agit, pour l’effet choc, de tirer une balle rapide quasi sans correction avec le moins de recul possible pour doubler instantanément ou corriger si la balle est mal placée.

Le mystère des origines

Au pays où les « gunwriters » sont légion et à la tête « d’écuries » de nombreux fans (T.Whelen pour le « 30 », W.Page le 7 mm, E. Keith le « 33 », C.Askins le 8 mm) on se perd toujours en conjectures sur l’origine de cet ovni balistique. Son diamètre d’alésage est de 0,270 pouce (6,86mm), sa balle de 0,277 (7,04 mm) proche mais différente des 7mm européens (0,284). Il n’existait rien avant de similaire aux USA où le « 30 » régnait en maître et il fut introduit alors que le 30-06 Springfield était déjà un best-seller. Il est d’ailleurs curieux de constater que dans sa période de gestation, à partir de 1923, les ingénieurs partirent du 30-03 antérieur de trois ans au 30-06 réduit, pour fournir ce calibre « au c…l  entre deux chaises » alors que les 0,264 (256 Newton par exemple) et bien sûr le 30-06 (0,284) étaient partout populaires.

deux

Ce choix du 30-03, remplaçant du 30-40 Krag pour le Springfield Mod. 1903 est lui aussi difficile à comprendre car sa douille plus longue (65mm contre 63,35 mm) proposait une balle dépassée (round nose de 220 grains à 700m/s) face à la balle « spitz » du 30-06 qui lui succédait : 150 grains et 850m/s. Pire, en trois ans, et 850 000 unités produites on avait dénombré au plan militaire 129 accidents sur le 30-03 dont 64 fractures de boîtiers du fait de la faiblesse de ces derniers, mais aussi une trop large portion de douille non supportée par les parois de la chambre, ce qui était rédhibitoire si le laiton était de mauvaise qualité. On a parlé du ressentiment anti-allemand après les tranchées pour ne pas aller au 7mm européen, mais Winchester proposa au même moment en 1925 son modèle 54 en 7X57…sans doute pour tester le marché ? Le raisonnement qui n’est certes pas tombé du ciel des ingénieurs de chez Winchester s’est perdu dans les sables du temps pour ce choix étrange d’un calibre si proche des « vrais » 7mm et obtenu par réduction du col de la douille de 30-03 pour conserver une longueur de maintien de balle similaire et le même épaulement, mais pour un plus petit projectile de 130 grains évidemment plus rapide. Il était peut-être basé sur des observations d’essais militaires menés aux USA pour une cartouche chinoise de 6,8X57 Mauser de même diamètre (0,277) dont on ne sait plus rien, voie déjà ouverte avant le premier conflit mondial par Mauser et Mannlicher.

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Le but était d’aller plus vite et plat que le 30-06 avec moins de recul. Depuis dix ans le 250 Savage, le 280 Ross, le 275 Holland/Holland flirtaient déjà avec les 900m/s et les 6,5-06 et 7-06 (futur 280 Remington en 1958) étaient dans l’air du temps. La polémique s’empara d’ailleurs d’entrée face au 30-06 omniprésent, la munition semblant trop petite pour autre chose que les cervidés, ou trop de vitesse pouvant abimer la venaison. C’est là qu’entra en jeu Jack O’Connor, sans doute l’écrivain de plein air le plus influent de tous les temps. Il fut à 23 ans, en 1925 un des premiers acheteurs du modèle 54 et prit avec son premier cerf sa dernière année de fac dans l’Arkansas, avant de devenir journaliste stagiaire à Chicago après un bref passage pour ses études supérieures dans le Missouri. Il n’était pas encore le légendaire écrivain ni chasseur de mouflons réputé, puisqu’il prit le premier dans le désert de Sonora presque dix ans plus tard (1934).

Son utilisation du 270 ne fut pas d’ailleurs si exclusive que le prétend sa légende. Comme beaucoup de chasseurs américains, il était fan, au départ du 30-06 et utilisa tout à la fois le 257 Roberts et le 7X57 dans cette période. Déménageant de l’Arizona à Lewiston (Idaho) en 1950, les débuts de sa célébrité le rendirent suffisamment influent pour pouvoir se faire fabriquer des armes sur mesure dans ce calibre par Al Biesen (1918-2016) armurier de Spokane dans l’état de Washington et semer le doute en insinuant que la vitesse du 30-06 était surévaluée du fait du tir dans des canons d’essais plus longs que les 24 pouces des utilisateurs habituels du Midwest. A l’heure où les chronographes n’étaient pas généralisés, sinon dans les labos d’usines, ce fut parole contre parole, et Winchester y retrouva son compte dès que l’efficacité de la balle de 130 grains fut prouvée sur le terrain…et dans les colonnes d’Outdoor Life dont cette superbe plume (il avait été prof d’anglais à l’Université) devint le rédacteur-en-chef. Jack O’Connor prit 36 espèces d’ongulés en Amérique du Nord, Mexique, Inde, Afrique avec la 130 grains Nosler Partition de 1948, et même en plus gros gibier douze élans, deux grizzlies, un zèbre, un ours noir.

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Un des paradoxes, et revers de la médaille de cette notoriété « chasse » fut que personne pendant 25 ans ne se soucia de sortir cette munition pourtant puissante et précise (flèche à 300m : 5,7 pouces et 16 à 400m…mieux que le 7 Rem Mag !) de cette ornière où le talentueux journaliste l’avait involontairement placée. Pas de perspectives militaires, ni au bench-rest, ce tir longue distance qui passionne les tireurs Outre-Atlantique. Les fabricants de munitions se firent tirer l’oreille et se montrèrent peu motivés : Sierra attendit 50 ans pour sortir une Matchking 135 grains, et Winchester en 1936 la carabine mod. 70 Target grade… une version retirée du catalogue dès 1951. On soupçonna les concurrents de n’être pas trop regardants sur la qualité des chargements, et la vitesse annoncée de 925m/s trop souvent aux abonnés absents, quand, bien plus tard en 2007, pour en avoir le cœur net, Jim Carmichaël (successeur entre autres de Jack O’Connor à la tête d’Outdoor Life) lança une vaste étude pour en avoir le cœur net. On se donna les moyens : Remington 700 de 17 livres, canon lourd, les balles Sierra Matchking groupaient 2 pouces à 100m. et les chargements manuels (Sierra Varmint et Speer TNT 90 grains) encore mieux…0,5 pouce ! Layne Simson pour le N°3 de la revue Accuracy fit encore mieux avec une 130 grains Ballistic Point : 5 coups sur 0,311 pouce…

Seul dans son coin

Le problème n’était donc pas là. L’industrie avait consacré pendant des décennies des tonnes de recherche-développement au « 30 », sortant des tas de balles techniques et lourdes à fort coefficient balistique, et rien ou pas grand-chose au 270 balle cataloguée « de chasse » et inextricablement liée aux gibiers à sabots (mouflons, antilopes, bouquetins, pronghorn) que tirait le grand Jack O’Connor et ses émules, à l’époque des optiques médiocres et des balles encore perfectibles. Malgré ses indéniables qualités intrinsèques, ce n’est même jamais devenu une munition « de montagne » tant les 6,5 ont profité dans l’intérêt du tir longue distance, de recherches en aérodynamique et de coefficients balistiques élevés : Hornady en propose une bonne demi-douzaine à 0,697 de CB quand 0,500 est considéré comme excellent. On n’a rien demandé ni proposé au 270 qui a quand même beaucoup évolué après 2001 où les implications internationales militaires nées du fatidique 11 septembre, ont impacté par ricochet les munitions de sport. Là où les canons courts de 22 pouces semblaient suffire pour faire le job dans des vitesses avoisinant plus les 850m/s que les 900m/s et plus, la balle de 130 grains qui a fait la réputation du 170 tient désormais toutes ses promesses de vitesse dans les canons plus longs de 24 pouces et la barre des 200 m. est atteinte régulièrement.

quatre

Après, tout se joue sur les balles « premium » à fort coefficient balistique ou non, et de ce côté, sans atteindre l’immense catalogue du 30-06, le 270 Winchester propose en France où il jouit d’une forte antériorité (n’étant pas considéré « de guerre » avant 2013), plus d’une centaine de chargements. Toutes les marques le font souvent en trois lignes : standard, semi-premium, et premium. Winchester par exemple propose jusqu’au cerf léger trois standard (PP, Silvertip, 150 PP), et en semi-premium avec la technologie Lubaloy qui diminue le frottement : Nosler Ballistic BST, 140 Failsafe, 140 Accubond.

130 ou 150 grains et plus ? La question peut se poser tant sa réputation a été établie d’entrée avec la balle de 8,4 grammes. Si la première version lourde fit un bide car trop lente (803m/s) les poudres de l’après-guerre ont donné une nouvelle vie au 270 boosté aussi par les nouvelles optiques qui le rendent encore plus compétitif. Toutes ses balles lourdes actuelles (150-160 Nosler Partition, 150 Swift A-Frame, 140-150 Barnes TSX) avoisinent ou dépassent les 850-880 m/s. Faible recul, grande vitesse, grande précision c’est le calibre idéal polyvalent pour débuter l’arme rayée en neuf ou en occasion où l’offre du fait de son histoire particulière ici est particulièrement large.

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L’alerte centenaire toujours dans le top 5 des cartouches grand gibier chez RCBS n’a pas été éclipsé par sa rare descendance au même alésage de 0,277. Le 270 Weatherby Magnum fut, en 1943, deux ans avant ses premiers chargements disponibles la première cartouche à profiter des surplus des poudres militaires Hogdon H 4831 évoquées plus haut pour aller encore plus vite (1000m/s) mais nécessite un taux de torsion plus élevé (1/12 contre 1/10) usant plus les canons, et n’a donc jamais pu rivaliser avec son aîné. Le 270 WSM a été éclipsé par la sortie concomitante du 300 WSM, et le 6,8 SPC au même moment (2002) était plutôt destiné aux plates-formes AR 15-M 16. Gravitent quand même autour, plusieurs calibres nouveaux autant sinon plus rapides (26-27 Nosler, 7 STW, 7 RUM) mais aussi avec plus d’usure et surtout de recul. C’est surtout ce dernier point qui en fait sa porte d’entrée idéale dans l’univers de l’arme rayée car, depuis la mort (1978) de Jack O’Connor, munitions et optiques ont bien progressé et n’en font plus un calibre de niche ou de créneau.

Prochaine reprise du site début septembre.

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