Sanglier en lisse : trop souvent négligée, l'option recul ?

Tous les chasseurs savent à quel point une balle de calibre 12 peut être efficace pour prélever un sanglier, et jamais le choix n’a été aussi étendu (1). Cependant cette efficacité se fait souvent au prix d’un recul conséquent pour viser des performances optimales. Mais sont-elles impératives en fonction de ce que l’on tire : plus de bêtes de compagnies que de gros solitaires ? Quelle précision attendue, et à quelle distance ?

Le tir de compétition aux trois armes a généré toute une gamme de munitions à recul réduit (Managed recoil sluggers) que l’on commence à trouver, surtout à pas cher qu’il convient d’examiner car elles sont de conception précises « zérotant » à 50m. (2) et surtout douces à l’épaule car tirées en grandes séries lors de ces compétitions. Elles sont relativement lentes (360m/s) avec une énergie à la bouche (3300 joules) notion ne signifiant pas grand-chose car on ne tire pas souvent à bout portant à la chasse, et qu’à 100 mètres, où tout le monde est redescendu de moitié en puissance, elles ne perdent que 270 joules sur les balles techniques ou spécifiques, c'est-à-dire pas grand chose.

Les équations entrant en cause dans le recul sont tellement nombreuses (3) que les fabricants ont surtout joué sur l’abaissement de la vitesse, mais aussi sur la maîtrise de la production en grande série de projectiles de poids et de formes très contrôlés et en plus munis d’apprêts (téflon) pour supporter de longues séances de tirs dont seule la cible (gongs métalliques) peut laisser sceptique le chasseur de sanglier. Or les études menées aux USA où elles sont massivement employées sur les « feral hogs », et les mesures en TKO (Taylor Knockout Factor) montrent une perte minime (60 contre 83) par rapport à une grosse Federal Maximum de 490 grains. Par contre, elles permettent avec un gain de 30 % de recul ressenti en moins, un suivi rapide et précis dans ces tirs de régulation.

Dans notre battue où la conjoncture hexagonale et la pression du public, semble devoir être de plus en plus difficile pour les carabines, et face à la prolifération du sanglier, il faudra abandonner la confiance aveugle à faire comme Papa, appel à la vieille « Brénèque » qui rôdait depuis dix ans au fond du paletot. Tout le monde ne sacrifiera pas forcément une arme (semi-auto + point rouge principalement) pour ce faire, quand la tendance sera à utiliser son arme habituelle « qui va bien », sur un gibier de plus en plus souvent rencontré, mais pas forcément de 150 kg et plus, ni formidablement armé ! Mais à tirer beaucoup et souvent, sur bêtes rousses et ragots, les impeccables balles « techniques » qui certes en imposent, (mais coûtent un bras !) sont-elles impérativement nécessaires ? Qu’elles passent dans tous les chokes c’est une chose, mais avec quelle précision et dans quel choke ? Le groupement d’une DDuplex Hexolyt à 25m est de 3 cm en lisse, mais fait le double en full.

Toutes les armes pour la chasse devant soi standard étant désormais dotées de chokes amovibles, ce qu’il faut retenir, c’est que tout se passe la plupart du temps à courte portée (moins de 30m.), et que ça nous fait une belle jambe de savoir que la célèbre balle-flèche règle à 90 mètres ! Compte tenu des pressions plus élevées, de la densité des balles et des hautes vitesses, l’ajustement balle-canon est plus critique avec ces balles rapides, au point qu’on propose maintenant le joli petit coup de marketing des coffrets d’échantillons (ci-contre à g.) avec cibles ad hoc, pour « essais » à faire par les chasseurs eux-mêmes…au fait, tiens, où, et comment ? Dans le fond de son jardin avant de voire rappliquer dare-dare la maréchaussée ?  C’est la difficulté à mettre tout cela en œuvre qui a fait revenir au premier plan les travaux sur des balles lentes à passage intégral qui date de l’époque où les forces de police américaines avaient remarqué que le recul plus doux permettait de soigner le placement et le suivi, (contre des « méchants » pouvant riposter !), la seule limite étant le cycle des SA…mais le marshall s’en foutait un peu, utilisant plutôt un fusil à pompe !

Les conditions normales de chasse, même aux animaux dangereux, militaient en ce sens avec par exemple la balle Challenger DGS utilisée en Afrique, et en Amérique du Nord (ci-dessous à dr.) pour être précise en doublant rapidement à la charge. Il s’agissait d’une balle Gualandi lente mais pénétrante (un 8è de pouce d’acier doux à 90°), concept sans doute pas idiot puisque repris surtout par une ribambelle de fabricants : Rottweil (Exact), Tunet (Tornade), mais aussi Fiocchi, France-Munition et Mary-Arm. Comparé à Brenneke dans la plastiline, il expanse moins, mais perce plus du fait de sa forme et de sa dureté. Toutes ces balles, de 12 à 20 ne dépassent pas 420m/s contre les 600m/s d’une Brenneke « S »  dont vous me direz des nouvelles si vous la tirez avec la crosse en bonne vieille bakélite du vieux Darne de Papy !

1/Outre la kyrielle de « Brenneke », les balles techniques (Prévot, Fier, BFS) pour lisses, il y a aussi les ensabotées pour canons lisses mais aussi rayés, en plus au taux de rotation requis quand il s’agit des balles américaines.

2/La Remington Managed recoil slugger, à 363m/s n’offre qu’une vingtaine de cm de flèche à 100m où la puissance est encore de 1000 joules, et c’est pourtant une balle faite pour renverser des cibles métalliques.

3/Entrent en ligne de compte pour l’arme : l’action, le type de pads, les conceptions de crosse, le poids, et pour les projectiles vitesse, forme, poids. Le moindre recul n’est pas la seule raison pour choisir son fusil de chasse, et de ce côté il ne faut pas trop écouter les fabricants. Dès 1963 Remington avec son Hydro-Coil annonçait 85% de recul en moins, Beretta un peu plus tard 70% pour son A 400, et Browning pour le Maxus 18%, plus 44% de saut de canon en moins, ajoutés à 19% de rapidité et 24% de taux de verrouillage ! Tout ça cumulé, attention, moi j’aurais peur de me trouver brusquement de tomber dans le vide, irrésistiblement aspiré vers l’avant…