"Huns" et "chukars", les perdrix américaines

Dans la longue liste de la plume « upland », si le chukar perdrix rouge assimilée à notre bartavelle possède ses spécialistes, le « hun » perdrix un peu à tort baptisée de « grise » car elle est plutôt couleur rouille (1) est un gibier d’opportunité, une pièce « bonus » pour les chasseurs de faisans « ring neck » qui font la grande masse des chasseurs de petit gibier.

Importée d’Europe et des plaines de Hongrie d’où son nom, dans tout le XIXè siècle, son parcours est moins connu que l’introduction du faisan, par le juge Owen Jenny dans la Willammette Valley (Oregon). Les grands lâchers eurent lieu partout jusqu’en 1914, les états du Nord-Ouest bénéficièrent de la réussite du Sasquatchewan (2) : Aldo Leopold (3) dans les années trente la voyait progresser de 30 km par an vers le Sud, le North Dakota en dénombrant 9 millions en 1940. Son bastion, c’est la ceinture céréalière au Nord des Grandes Plaines, les steppes semi-arides du plateau de Columbia, les zones désertiques du Nord de l’Intermountain West et l’Est des Rocheuses.

Huns comme chukars sont des gibiers de paysages de transitions entre les grandes cultures, sauge, armoise, terrain secs avec quand même de l’eau stable. Si la perdrix rouge a ses adeptes, un peu dans l’esprit bécasse avec travail spécifique des chiens dans du terrain accidenté, il y a peu de spécialistes de grise car dans ces immensités ce serait un peu comme chercher une aiguille dans une botte de foin. Par contre, partageant bien souvent le terroir de toute la plume, c’est parfait pour éviter la bredouille. Avant, il faut se replacer dans le contexte du chasseur US qui ne fonctionne pas du tout comme nous. Il passe son temps (lire à ce sujet « Mon Amérique » de Jim Fergus) à solliciter des autorisations pour aller sur le privé…qu’il obtient bien souvent car tous ces oiseaux des plaines affolent les chiens de fermes, ou doit se coltiner, pour aller sur les « terres publiques », riches de millions d’acres à une législation aussi tatillonne que pléthorique (4) selon les états.

Le déplacement à deux ou trois fusil dans les fameuses caravanes tout alu Airstream (5) met souvent en action deux chiens de longue quête, voire associés à un retriever qui doivent assez vite s’enferrer pour donner le temps au chasseur de raccourcir la distance. Les zones « birdy » sont des mélanges d’herbes folles et armoises, entrecoupées de champs de blé ou d’orge et de parcours légèrement pâturés où il faut de l’endurance en repérant dans le vent et l’herbe à mi-jambe où peuvent se glisser les crotales, le grincement rouillé de vieille porte des « coveys » (compagnies) qui rappellent. Il faut rechercher les bordures, les vieilles friches près des vieilles fermes abandonnées, tout ce qui brise le relief des grandes immensités du Montana, les pentes d’altitude, les limites de bosquets.

Ce sont des chasses empreintes d’une poésie sauvage où on côtoie les reliques du passé, un vieil « International Harvester » rouillé, une balançoire qui grince au vent, un bouquet de glaïeuls devenus sauvages indiquent encore, près d’un ranch abandonné, le souvenir de ses anciens occupants. L’usage veut que l’on ne relève pas plus de deux fois la même compagnie, le gibier étant assez abondant, quand on tombe dessus, pour tenter de passer à la suivante. La littérature classique a déjà été abordée ici (6), mais la documentation est toujours très vivante au sujet de cette plume complémentaire du faisan (Steve Groom) bien plus prévisible, représentant une trilogie où, en plus la caille (Quail) n’est jamais non plus vraiment loin. Pat Wray pour le chukar dans « A chukar hunting companion » résume bien « la distance la plus courte pour l’atteindre est toujours du bas vers le haut ». Copain Levy (Echoes of the rimrock) exhalte ces chasses « significatives de l’endroit où elles nous mènent », et des paysages grandioses qui, comme le stipulait Jim Fergus « peuvent parfois même vous faire oublier que vous êtes en train de chasser ».

Pour les chiens, si W.H.Foster il y a un siècle avait lancé la mode des épagneuls, Larry Szurgot, un des trois bloggers de « Chukar  culture », chasse avec des braques allemands, et G.Stephenson de « Wingshooting » dans le Wyoming, avec un border collie. Les « vrais » chiens d’arrêt donnent une dizaine de mètres d’avance sur les « leveurs », dont les innombrables retrievers qui d’ailleurs parfois, et par mimétisme peuvent aussi arrêter « à patron », le fouet en l’air, de manière cocasse, comme une antenne ! Les armes utilisées sont légères, le calibre 16 (voir le site « 16 gauge society ») ayant de nombreux adeptes depuis les ouvrages de Mike McIntosh (7) qui a redonné ses lettres de noblesse aux anciens juxtaposés américains classiques : Parker, L.C.Smith, Fox, Lefever.

1/ Sagement vêtue dans ces tons de terre pastel rehaussés par le fer à cheval qui orne sa poitrine, le plumage subtil de la perdrix grise est apprécié des pêcheurs à la mouche.

2/ Durant la saison 1908-1909, dans le Sud de l’Alberta un groupe de chasseurs emmené par William Meershon venu du Michigan fit 800 pièces. En 1930, Ray Holland arrivait à lever 100 compagnies par jour dans le Sasquatchewan.

3/ Voir sur ce biologiste archive du 7 décembre 2021.

4/ Seuls 59 parc nationaux (National Park Service) sur 390 autorisent la chasse. L’US Forest Service permet des camps non réglementés dans l’arrière-pays, par contre l’US Fish and Wildlife Service est plus restrictif avec des zones et des heures d’accès limitées qu’il faut connaître. Les zones humides (WPA) gérées grâce aux timbres fédéraux peuvent aussi accueillir parfois des faisans. Les terres BLM (Bureau of Land Management), sont souvent difficile d’accès sinon à passer sur des passages privés où il faut encore des autorisations..

5/ Caravanes tout alu légendaires depuis 1936, fabriquées à Jackson (Ohio) et qui viennent tout juste d’être importées en France.

6/ Voir archive du 22 août 2020.

7/ Voir archive du 15 décembre 2021.