1970 : le début des chokes "aftermarket"

Ces appendices amovibles, soit-disant plus polyvalents, ont rendu les gens paresseux et bien que la mode fut naguère aux chokes très serrés, le sans-plomb nécessitant de tirer plus « ouvert » risque de les faire passer au second plan. Toute arme neuve arrive avec sa batterie d’embouts, mais regardez autour de vous, combien de chasseurs en changent sur le terrain ?

L’invention de ces rétreints « false muzzle » se perd un peu dans la nuit des années 1866 (S.Roper), ou 1880 (J.S.Heath), puis vient en pleine lumière en 1920 avec les mix frein de bouche-déflecteur Cutts et les polychokes (1) précédant 1959 où Winchester ouvrit véritablement la voie. Il s’agissait de rétreints amovibles internes « Versalite » pour le semi-auto mod. 59 extrêmement novateur (2) mais qui fut plus ou moins un échec, la formule étant reprise en 1961, cette fois sous le vocable « Winchoke » pour les pompes et SA 1200-1400, et (1975-1979) le modèle 101, et donc le premier superposé à en disposer. Preuve quand même qu’on naviguait à vue, ils furent décrits comme « une nouveauté qui ne durera pas » !

Dans cette période, plusieurs armuriers américains, non seulement travaillèrent à adapter ce nouveau concept à l’immense parc d’armes déjà existantes, et à le proposer pour le monde du sport, et de l’acier qui commençait à se profiler à l’horizon. Les chokes « usine » étaient encore aléatoires, ne proposaient pas assez de choix, et de tous les artisans qui s’engouffrèrent dans la brèche, le premier fut Stan Baker de Seattle (3), pionnier également des notions de « back boring »  courantes de nos jours. Ralph T.Walker (1931-1987) de Selma (Alabama) qui avait fait ses premières armes avec P.O.Ackley, commença ainsi à adapter en 1971, les Winchokes aux autres marques, et mit un peu le pied à l’étrier de Georges Trulock qui dix ans plus tard, vola de ses propres ailes pour créer la célèbre marque forte désormais d’une vingtaine de salariés.

Dans les états du Midwest, Larry Nailon (1937-2009) initia avec sa marque Clearview la mode des chokes longs et des évents (4), également reprise par son voisin Steve Baldwin de Mechanical Accuracy à Jones (Oklahoma), et dans le Kansas étaient installés Carlson et les canons Hastings, finis aux USA…mais arrivés en blanc de France où ils étaient fabriqués à St-Etienne par Verney-Carron. De cette période a surtout émergé, parti de rien, Jess Briley (1927-2017), un tireur de skeet qui débuta à Spring Branch dans la banlieue de Houston (Texas) le concept de chokes longs aux parois minces à usinage parfait qui arrivaient à résoudre les problèmes de poids en bout de canon et adaptables au plus grand nombre de marques.

La concentricité des filets était en effet indispensable pour aller au point visé, et on y arrivait grâce à des tours spéciaux « pilotés » très précisément permettant en un seul passage, de faire des filets peu profonds et des rétreints dans toutes les cotes de « X Full » à « Reverse » qui est un peu plus large que Cylinder (lisse). Cette entreprise de 80 salariés est désormais mondialement connue. Vingt ans plus tard, toutes les grandes entreprises s’étaient attelées à la tâche du fait de la proximité du « sans plomb » dans les zones humides, Clyde Rose de chez Browning à Ogden (Utah) ayant sans doute été le plus loin, suite aux travaux sur le BPS en calibre 10 sur la notion de « backboring » qui aboutirent à la filière Invector.

Ce terme qui fait désormais partie du vocabulaire actuel mérite d’être expliqué car souvent confondu avec un autre élément du galimatias franglais qui est l’overboring. Le premier est un canon normal dont on enlève « en bas », après la chambre, du métal. Le second étant un canon supérieur au diamètre nominal (on passe de 0.725 à 0.755 par exemple), et donc par force plus lourd. Dans les années 90, agrandir le diamètre d’alésage au-delà des spécifications maximales était censé réduire le frottement, les gaz travaillant sur la base de la bourre plastique plutôt que sur les parois du canon, et plein de petits avantages derrière : plus de vitesse de la gerbe, moins de billes déformées (de plomb, l’acier lui, s’en fout !), moins de recul et plus de confort, notamment sur les pas de tir où on enchaîne les séries. Les canons, plus légers devaient être plus réactifs et « vivants ».

Pas mal d’eau ayant passé sous les ponts, tous ces termes (cryo, optimisé, steelium, cônes de forçage allégés, etc…), semblent plus être des outils de marketing que de véritables avancées techniques, voire entraînent des gains modestes ou difficiles à démontrer, sortes d’effets « placebo » pour chasseur débutants ou sportifs voulant se la jouer « confortable », la technologie devant pallier à l’aléatoire de l’adresse au poste ou à « fumer » les plateaux. Autrefois, on respectait un type de chasse, on prenait le temps de voir à quoi ressemblait le tir et la gerbe à une distance donnée, toujours à peu près avec les mêmes cartouches. Maintenant, si on manque on peut toujours incriminer le défaut de combinaison munition-choke, ce qui est logique puisqu’on ne sait pas vraiment ce que fait la gerbe passé 40m. Les étranglements à visser furent un argument marketing plus que cynégétiques, témoins les nombreux forums sur les combinaisons infinies, et même les tutoriels…pour les débloquer à force de les avoir oubliés trop longtemps là-bas, tout au bout des canons !

1/ Voir archives des Ier octobre 2017 et 16 octobre 2018.

2/ Il faisait notamment appel à un canon en acier mince, renforcé de fils de nylon. Voir notre récent article sur le fusil « Woolner ».

3/ Son magasin est célèbre puisque c’est là que fut vendu le Remington 11 avec lequel Kurt Cobain, le chanteur du groupe Nirvana, initiateur de la scène « grunge » se donna la mort le 5 avril 1994.

4/ Moins pour contrer le recul et le « saut » de canon lors du tir que pour différer l’influence des gaz sur la bourre au sortir du canon.