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FCM 25.00
15 juin 2023

Les fusils espagnols vintage sont-ils "olé-olé"?

Deux récents courriers de lecteurs demandent à affiner ce que nous avions écrit précédemment (1), sur ces armes basiques des années 60-70, à ne pas confondre avec la production espagnole actuelle qui est d’un tout autre niveau, mais bien moins importante. AyA par exemple avait 400 salariés en 1978, et dix fois moins actuellement, et l’industrie ibérique désormais de très haute qualité, tourne autour de seulement 5000 pièces par an.

deux

 

Il faut se replacer dans le contexte de l’immédiat après-guerre : l’Espagne avait eu le temps de se remettre de la guerre civile quand les industries allemande, belge, française avaient subi le pillage de l’Occupation, et les anglo-saxonnes, pris du retard, concentrées sur l’effort de guerre. L’armurerie du pays basque autour du noyau Eibar-Elgoibar put alors fournir des armes solides et basiques dont la production stéphanoise entretint à dessein, et à tort, la réputation que l’acier employé « était tout juste bon à ferrer les ânes » ! Les mouches, ayant justement changé…d’ânes, ce sont maintenant les Turcs qui sont dans le collimateur. Le fait qu’on trouve encore ces armes partout (2) chez nous montre que c’est immérité, mais doit donner quelques explications, notamment sur les pressions d’épreuve.

trois

On nous fait remarquer que le chiffre de 850 kg/cm2 courant sur les entrées de gamme (3) de cette période sur un 12/70, frappé sur la table des canons, serait trop faible pour tirer les cartouches actuelles ? En fait il y a confusion sur la pression de service ou de travail, et celle d’épreuve bien sûr, le plus souvent supérieure de deux tiers. L’Espagne n’adopta les préconisations CIP de 1969 que cinq ans plus tard, mais avant la Grande-Bretagne (1980) où les anciennes manières de mesurer durèrent jusqu’en 1989. Ces 850 kg/cm2 donnent 12 000 psi, et une moyenne de service encore plus basse (10 000 psi), mais bien supérieure aux préconisations CIP de service pour les fabricants de cartouches en 12 qui sont grosso modo de 6500 à 9500 psi.

En 1960, l’emploi d’un acier plus ductile favorisait le travail manufacturier à l’ancienne employant beaucoup de main d’œuvre, sur peu de pièces internes (voir ci-dessous l’intérieur simplissime d’un Zabala) mais qui fut mortel vingt ans plus tard pour Eibar, quand il fallut adopter les alliages au chrome-molybdène, et la technologie des superposés et semi-automatiques maîtrisée alors par les Italiens. Cet acier plus dur, léger et solide nécessitait des outils plus forts, plus chers, plus fréquemment remplacés, (ce que firent par exemple les Japonais avec, derrière un fort contrôle qualité des usinages), mais l’acier plus doux et moins cher à travailler durait plus longtemps, au besoin, en ajustant sans cesse. Il n’empêche, face à la concurrence, notamment stéphanoise de l’époque, sur les « deux coups », s’il y avait un critère sur lequel on ne transigeait pas, c’était bien la convergence des canons.

sdc

 

C’était un des points forts autrefois sur lequel la production actuelle de juxtaposés d’import pourraient bien s’inspirer. Tous les problèmes de détentes trop dures, de crosses trop longues bien qu’ennuyeux sont faciles à réparer si on a accès à un armurier compétent, et un peu de patience. Parfois, c’est un problème difficile à identifier, mais les canons non réglés sont rédhibitoires sur un juxtaposé. Le fusil ne placera pas la gerbe de chaque canon à quelques centimètres l’une de l’autre (4), et le fusil ne tirera pas proprement justement là où vous en avez le plus besoin, c’est-à-dire le second et dernier coup, sur une cible pas ou mal touchée. Actuellement la plupart des importations bon marché ne mettent pas forcément ce critère au premier plan comme jadis, et c’est au chasseur de se débrouiller certes avec une belle arme, joliment tournée, avec de riches bois et gravures mais qui n’est en fait qu’un « single » avec la réserve d’une cartouche supplémentaire dont vous ne savez pas trop où le plomb ira.

sd

Mon vieux « Laurona » de 1974 ne fait pas ça, la bascule tient si bien le choc…qu’elle a longtemps fait crépiter… « Ka-Boom »…les deux coups en même temps, au point que le canon gauche de 76 cm en full (ipso facto, réduit à tirer seul), était devenu la terreur des pigeons posés à la cime des grands chênes ! Deux coups de lime ont arrangé ça, faut juste donner deux ou trois coups de tournevis en fin de saison, et on peut maintenant chanter toute la saison « Viva Espana » en jouant même des castagnettes tant ça « bloblotte » là-dedans !

1/ Voir archives du 7 février 2017, et 24 mars 2019.

2/ Citons pêle-même : Gorosabel, Erbi, Zabala Hermanos, Astra, Lucio Loyola, Arizaga, Ugartechea, Laurona, et plus près de nous Lanber récemment disparu lui aussi.

3/ Les hauts de gamme étaient estampillés 900-1000 kg/cm2, et jusqu’à 1200 pour les « pigeon guns ».

4/ Sur le toit de l’usine Laurona, un tunnel de 28 mètres vérifiait la convergence, et tous les canons impropres étaient impitoyablement refoulés.

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