Tabac à la chasse : débat fumeux ou fumant ?

En voilà un joli point de discorde ancien, qui se mêle de nos jours, avec la « cancel culture », le « woke », ou le « politiquement correct », d’une nostalgie plus ou moins interdite et rejointe, aussi comme pour la « goutte », le « ratafia » et le vieux « scotch » par des critères de santé, et même de législation publique. Prière donc de ne pas s’endormir au pied d’un vieux chêne, la pipe au bec, et la topette à la main !

Comme pour les armes et les chiens, les opinions variaient, d’ailleurs moins sur la coutume ou le rituel de la pause bienvenue, que de tirer sur la bouffarde « pendant » ! C’était une sorte de récompense où après avoir fait tomber le colvert en baie, on soufflait quelques ronds de fumée en revivant le tir à l’ombre du rocher de Tombelaine. On pouvait, de fait, rater une occasion à suivre, mais on savait, en cette passée de novembre, qu’il y en aurait d’autres. On était à l’époque où quasiment tout chasseur avait la pipe ou la clope à la bouche, sortes de tétines pour adultes prétexte, lorsque le ton montait après la bredouille, à s’éclipser à l’écart afin d’en « taper une »…

Plus que chez nous, les « deer hunters » américains ont théorisé là-dessus, du fait de la prédominance de leurs chasses d’approche et d’affût, tous les grands écrivains de plein air étant d’ailleurs de grands pratiquants : Elmer Keith des havanes, Gene Hill (1) spécialiste des chiens, et Mike Mc Intosh des fusils doubles britanniques du brûle-gueule Charatan qualifié de « Purdey » des pipes ! Au musée qui lui est consacré à Barnes (Wisconsin) est exposé en majesté, le calumet Bentley du fameux sauvaginier Gordon Mc Quarrie (2).

Là-bas aussi, on trouvait d’habiles gâchettes aptes à faire tout tomber en sacrifiant à ce que certains qualifiaient de fâcheuse manie (3), et sans se soucier du sens du vent et autres balivernes. Les cervidés pouvaient avoir un odorat 500 fois plus puissant que l’être humain, le point de discorde se concentrait sur l’effet masquant par rapport aux odeurs sui generis de l’être humain. De plus, les archers et les plus soigneux « fumaient » leurs vêtements aux herbes sèches…une autre sorte de tabac en quelque sorte non ? Le grand gibier pouvait aussi s’être accoutumé aux émanations des grands incendies, des cheminées des bourgades, mais on se rejoignait, malgré tout, sur la mémoire des événements antérieurs notamment olfactifs qui dictent la conduite des animaux sauvages. Tiré au poste par un fumeur, nul doute qu’on n’y reverrait pas de sitôt le whitetail dans le Montana, ni le quartanier d’ailleurs à Pithiviers !

Par ailleurs certains avaient aussi remarqué que les mélanges particulièrement aromatiques des tabacs américains de Virginie, pouvaient aussi parfois attirer d’autres curieux bien moins aimables. Le tabac non fumé était particulièrement intéressant pour les ours car assimilé à de la nourriture ! Le débat, un peu moins actuel cinquante ans plus tard du fait des risques évidents pour la santé, n’a cependant jamais été tranché, la preuve puisqu’on en parle toujours dans nos réunions d’après-chasse. Il n’empêche, quand le souffle est court, que les jambes flageolent, nous reviennent avec ces pauses bienvenues dans les effluves du « Clan »…celui que nous formions lors des rencontres de passage, le « bossu » à l’épaule, frères d’armes d’un jour, passagers d’une autre époque.

Tout allait moins vite, il fallait du temps et son petit matériel pour s’en rouler une de « scaferlati », à l’abri du vent, partager la « blague » à tabac (et l’autre, celle qui fait rire !), donner (avec le nez) de la « prise » au social, pour s’asseoir, se « pauser », boire un coup (et même deux…) en se racontant de belles histoires…les méchants diront des mensonges, des craques ou des promesses de Gascons ! Fini tout ça, maintenant on préfère tapoter les smartphones et tèter les « vapoteuses »…

1/ Voir archive du 25 septembre 2020.

2/ Voir archive du 15 juin 2022.

3/ Pour ne pas prêter le flanc à la critique, insistons sur le fait que fumer nuit considérablement à la santé, et que ce papier comme les illustrations anciennes qui vont avec ne sont là que pour donner à ceux qui ne l’ont pas connue, l’esprit sinon le « fumet » d’une époque révolue.