Le "tir à sec" du 22 LR

Le fait d’aborder la percussion (1) nous fait revenir sur le « tir à sec », déjà controversé dans l’arme lisse, et la percussion centrale car s’il s’agit bien sûr de soulager les ressorts lors de l’entreposage, le risque d’endommager le percuteur n’est pas le même. S’il existe des douilles ad hoc pour éviter le tir « à vide » pour les précédents, avec le 22 LR, le risque est plutôt que le percuteur s’endommage en frappant aussi la chambre.

L’amorce est très différente car il ne s’agit plus d’une petite capsule contenant le mélange et l’enclume qui jouent un rôle amortisseur à deux étages, mais d’un composé collé sur tout le bord du talon, et le lieu et la manière de frapper joue en plus sur une munition dont les standards et qualités de fabrication sont très variables. Le débat dure d’ailleurs de plus d’un siècle pour savoir où frapper : à « 18 heures » (en bas si on veut), là où la petite quantité de poudre (2) peut sembler devoir naturellement s’accumuler où ailleurs ? Tout a été tenté, à « midi », à 15 heures, voire 10-14-18, ce qui aurait semblé assez naturel pour assurer le coup vu l’irrégularité des mesures des chambres pour s’adapter à des munitions bon marché ou de fabrication particulièrement irrégulière.

Pour pas trop se casser la nénette, et réduire les coûts, la solution « 18 heures » l’a finalement emporté, mais il y a également eu des percussions encore plus simples par barres frappantes comme sur les Gevarm, en croissant pour taper sur une zone plus large et plus sûrement enflammer le mélange, ou des dispositifs réglables sur certaines carabines de compétition (Bleiker, Grünig). Même si on se contente de faire du plinking, c’est-à-dire que ça fasse « ping », et qu’une frappe légère ou forte ne semble pas faire une grande différence, on se rend quand même compte que le gaspillage d’énergie qui écrase comme le marteau de Thor, engendre des vibrations, des chocs qui nuisent à la précision. Alors qu’on se concentre beaucoup sur le canon, le « bedding », et si la finesse de l’action de déclenchement est une chose, « l’allumage » joue aussi son rôle, car il n’agit pas de la même manière que d’actionner « fiat lux »… l’interrupteur de la lampe du bureau !

Nos deux carabines de régulation sont toutes deux précises à 30-50 m. mais la vieille single Gaucher « Colibri », dont il faut déjà s’adapter à la longue détente spongieuse, tape comme une folle, aplatissant le talon des balles, et il faut aussi en tenir compte au tir car derrière, ça vibre, et ça trincaille, assez certes pour le ragondin à 20 mètres mais surement pas pour faire du bench-rest, même si le canon de 24 pouces avec optique réglée, pourrait encore tenir la route bien plus loin. Les pratiques de la construction moderne CNC ont certainement réduit les risques d’endommager les percuteurs par le tir à sec, qui est utile en compétition pour apprivoiser les poids de détente, et certaines marques le stipulent même, comme la carabine grand public Ruger 10/22, mais aussi des customs onéreux comme Vudoo.

Par contre, Anschütz qui, dès les années cinquante, avait longuement étudié le profil, l’angle de frappe, la profondeur de la percussion vend à part, pour le tir à sec, un percuteur spécial lourd et émoussé, et CZ, par exemple dans ses notices insiste « …l’entraînement au tir à sec doit être effectué avec des cartouches à décharge conçues à cet effet ». Elles existent bien sûr, dans un acier inox plus doux que celui des percuteurs et des canons, mais on connaît aussi l’astuce des chevilles multicolores pour cloisons sèches permettant une vingtaine de coups, à conseiller donc pour toutes les carabines anciennes aux tolérances plus lâches pour s’adapter aux cartouches bas de gamme et grand public (4). Pour les récentes, il est préférable de suivre les instructions de la maison-mère, en vertu du fameux adage « Roma locuta, causa finita » (3)

1/ Voir archive du 3 novembre 2023.

2/ Conçue au départ pour la poudre noire, l’étui était trop grand pour la PSF qui se balade là-dedans, et « bloblotte » quand on le secoue, ce qui peut perturber le chemin de flamme lors de la combustion.

3/ Un terme qui ne s’applique plus vraiment à notre pays qui depuis 1996 a banni le petit calibre de notre environnement rural où il rendait pourtant de fiers services, mais ferme les yeux par souci du « politiquement correct » à la présence dans nos banlieues d’autres bien plus puissants…

4/ Rome a parlé, la cause est entendue !