Charges "carrées" ou plutôt légères ou modérées ?

Nos récents papiers (1) sur les « charges carrées », n’ont pas forcément été bien interprétés. Des collègues chasseurs tatillons, ont pu penser que nous étions subitement devenu victime de « l’effet minet », l’auteur semblant alors verser dans l’admiration béate de jolis petits juxtaposés légers, si possible à platines, des cartouches papier dont on disputerait des qualités dans le club-house, le pointer sagement lové à nos pieds, un verre de good old scotch à la main…

C’est en effet à cette époque, bien avant les bourres à jupe et dans le contexte purement plomb et encore poudre noire, celle de l’âge d’or des armuriers britanniques, début XXè, que fut défini ce type de cartouches à connotation obsolète. Celui d’une charge qui serait seulement dite « légère » de nos jours, où le diamètre de la colonne de grenaille, serait à peu près égale à la hauteur de la charge de plomb. Soit pour le 12, un peu plus d’un once (1,333 exactement) donnant 36 grammes, et pour le 16 un peu moins (0,9375) arrondi à un once, soit 28,5 grammes. C’est d’ailleurs dans ce calibre, ce qui explique sans doute sa longue popularité, le summum des mensurations de la cartouche dite « classique » même au temps des premières cartouches à jupe : le diamètre d’alésage (0,655) étant pile poil la longueur du godet.

Ce concept ancien, nous le concédons bien volontiers, est anachronique en ce sens qu’il ne tenait pas compte des avancées actuelles, ce qui ne veut pas dire qu’il était dénué de bon sens. Comme tout était plus léger, poudre et charge, le transfert d’énergie à l’allumage était moindre, la colonne plus courte et moins stressée ou déformée si on veut, avec un pourcentage de billes plus élevé arrivant en bon état sur la cible. Les plombs volaient mieux, à même vitesse, la gerbe plus ramassée à 30m. frappant mieux, en même temps qu’une chaîne longue et dispersée comme par exemple, celle des tout petits calibres 28 ou 410. Le major Burrard l’avait très bien expliqué : « …la taille idéale est celle qui permet de pénétrer assez, 5 mètres plus loin que le point où les caractéristiques d’un choke donné sont dépassées ». Dans son ouvrage célèbre (Fusils de chasse et cartouches), Gough Thomas ne disait pas autre chose : c’est l’échec du modèle de la gerbe qui intervient avant toute chose (longueur des canons, rétreints, etc.) dans l’efficacité d’une cartouche.

L’avènement des plombs durcis et nickelés, l’amélioration de la qualité des charges manufacturées après-guerre, firent un peu passer au second plan cette notion surannée de charge « carrée » au profit de celui, plus compréhensible actuellement de charges « légères », que l’acier va sûrement permettre encore d’affiner avec des moyens qui ne seront plus seulement ceux de l’empirisme ou de la tradition. Malgré tout, quelques principes vaudront toujours : moins de billes modéliseront mieux si on fait un peu plus attention au choix des chokes, on l’a déjà vu ici, la plupart du temps en « ouvrant » plus que de coutume, ce qui est loin d’être encore entré dans les mœurs où l’esprit « full » et « magnum », a encore beaucoup d’adeptes. Quoi qu’on en dise, à 40 mètres avec une même vitesse, disons rapide (plus de 400m/s) il faudra toujours beaucoup plus de pression et de rétreint pour pousser 40 grammes que 28,5.

Des recherches récentes (Compton-Giblin pour Holland-Holland) sur le non toxique ont montré que la gerbe variait beaucoup, d’une cinquantaine de centimètres suivant ces caractéristiques, et on peut penser que sera bientôt définie une « fenêtre » de tir tenant compte de toutes les combinaisons possibles du marché actuel, sans doute avec l’acier qui, pour le prix et les qualités balistiques se rapproche le plus du plomb. Débarrassé de toutes les hésitations actuelles sur le choix du matériau, se dégagera une charge optimale, adaptée au calibre, et ne reculant pas trop dans un fusil pas trop lourd à porter.

Que faut-il en retenir ? Bon nombre de charges actuelles, dans le fatras des métaux proposés, dépassent considérablement la capacité de l’alésage. Face à une telle tendance à trop charger, et trop « serrer », il faudra toujours tirer plus « dur », soit plus fort en antimoine qu’en nickel, ce dernier étant plutôt là pour lubrifier. A distance d’usage usuel, celui de la chasse devant soi qui va représenter un immense nouveau marché pour l'acier on ne parlera certes plus de charges « carrées » mais modérées ne devant rien à un effet de mode, mais plus on s’éloignera de cet idéal, moins les charges, surtout d’acier seront efficaces.

1/Voir nos articles des 16 et 25 juin.

2/Tom Purdey en 1936, pour le 12 et un once préconisait le plomb de 6 comme compromis idéal,