Un fantôme oublié : le calibre 14

A ne pas confondre avec le 14…millimètres qui est un « 32 » (0,32 inches) le calibre 14, selon la terminologie des balles à la livre de Paris utilisée pour l’Armée et les marchés d’Etat (489 grammes) a bel et bien existé. Cet intermédiaire entre le 12 et le 16 avait surtout comme inconvénient de pouvoir y tirer des cartouches de 16 qui godaillaient un peu dedans avec tous les risques inhérents de fuites et de surpressions…

On trouve encore de ces cartouches étranges qui ne peuvent entrer dans un 16 (voir ci-contre à g.), mais de peu, déjà inexistantes dans les listes des conventions internationales ayant précédé le C.I.P. mais communes pour les cartouches à broche du système Lefaucheux. Le premier Parker en 1860 était dans ce calibre et en 1909 cette firme le proposait aux côtés des 8-10-12-16-20-28 dans sa gamme. Winchester qui en 1886 entra dans le monde de la fabrication des cartouches la proposait avec sa « Rival » en 10-12-14-16-20. Lefever fit 300 armes dans ce calibre déjà désuet et Stevens un single dont la renommée est parvenue jusqu’à nous.

Ce calibre signalé comme « royal » en Espagne car le roi Alphonse XIII avait une paire de Purdey dans ce calibre déjà rare, (ce qui, parait-il lui évitait d’avoir à dépanner les collègues en cartouches !) était déjà disparu en 1920 car sa trop grande proximité avec le 16 permettait l’inversion de cartouches. Le diamètre nominal du 16 était de 0,678, celui du 14 : 0,693, l’âme 17,4 et 17,9 ; les canons entre 16,8 et 17,3 mm et 17,2 et 17,7 mm. Sans que la dangerosité soit aussi grande que celle de glisser du 20 dans un douze, il y avait là une différence bien moins flagrante qu’entre un 10 et un 12 ou un 20 et un 28.

Ce calibre 14 était déjà si rare dans les années 20 que la police britannique disposant de fusils Henry en 12 pour disperser les émeutes en Egypte, fit même, avec l’aide de Greener un 12-14 spécial (ci-contre à g.) pour éviter que les insurgés ne puissent utiliser des armes volées. Ces insurgés arrivaient néanmoins à y tirer du 16 au moyen de bricolages improvisés, cartouches emmaillotées de fil ou de papier…normal semble-t-il au pays des momies ! De nos jours, certains collectionneurs peu avertis qui se font refiler des vieux fusils en 14 ont recours aux mêmes artifices, où y tirent précautionneusement « à la ficelle » du 16 avec, à la clef, étuis gonflés, culots fendus.

Le plus curieux c’est qu’en 1960, en pleine période John Olin, Winchester pensa sans doute relancer ce calibre autour d’une double recherche, celle des fusils légers, et surtout des cartouches en alu qui pourraient aller avec. Nous étions à la croisée des chemins pour la fabrication des cartouches, la fin du papier, le plastique naissant, et le concept expérimental ne dépassa jamais le cercle restreint des Nilo Farms (1) de Newhaven autour du semi-auto mod. 50 (1958), puis 59 (1959-1965 : 82 000 exemplaires). Il s’agissait d’armes (ci-dessus  à dr.) à carcasse acier ou alliage dont le canon était en fibre de verre renforcée d’un enroulement de fil d’acier équipés de chokes Versalite. Ce canon innovant était suffisamment résistant pour encaisser justement le tir d’une cartouche de 12 percutant du 20 chambré par mégarde.

Il se fit deux prototypes en calibre 20, quatre en calibre 14 avec canons de 26 pouces, mais selon la presse spécialisée US un peu plus que ça, peut-être une trentaine qui réapparaissent de temps en temps au prix collection de 6 à 8000 dollars. Ce calibre et cartouches introuvables en France ne sont pas si rares que ça aux USA où une firme (Rocky Mountain) propose même des douilles laiton rechargeables au prix de 6 dollars la bête.

1/Voir archive du 10 janvier 2021.