Rechargement 12-16 : réflexions autour d'une charge à tout faire

Outre les aspects ludiques et conviviaux déjà développés ici, le rechargement donne aussi des satisfactions intellectuelles fortes et intéressantes, notamment lorsqu’on partage la même passion pour un gibier où la balistique et le choix des cartouches, joue un grand rôle.

Vous trouverez sur le Net des pages entières de forums consacrés à ce domaine, avec des « chapelles », des techniques, des « tutoriels » dont les chasseurs « branchés » (comme les faisans ?) peuvent s’inspirer. Bien sûr, on peut un moment hésiter avant d’entrer dans un débat sans fin susceptible à polémiques comme on le voit souvent ici, par exemple avec le 22 Long Rifle. Sollicité de donner un humble avis par un lecteur du Sud-Ouest, je donnerai ma démarche et la solution trouvée, adossé à un texte, l’ouvrage du général Journée qui certes ne date pas d’hier, mais semble toujours plein de bon sens. Je n’ai pas du tout cherché à faire, de but en blanc, une cartouche puissante du type « qui peut le plus, peut le moins » (1) mais étais confronté à deux beaux juxtaposés stéphanois en 12 -16, chambrés 65, pas toujours faciles à nourrir. Plus une curiosité intellectuelle qu’un réel besoin, du genre « est-ce encore dans les vieux pots qu’on fait la meilleure soupe » ? Et comme pour ce faire, il faut parait-il de jeunes carottes, la proximité du magasin Gilles, de Flers, nous permit de faire facilement notre marché et de nous approvisionner en ingrédients, pour faire notre petite tambouille…

Du fait des calibres différents 12 et 16, et des charges nominales 32-28 grammes, j’ai opté finalement pour la plus basse des deux, 28 grammes ou l’once anglo-saxonne, selon les critères du bon général : « …il y a moins d’inconvénient à tirer dans un fusil une charge inférieure à la charge normale qu’en tirer une supérieure ». Avantage, moins de recul sur des fusils très légers, le 12 à platines (2,7 kg) étant de surcroit équipé de canons « Plume », et plus de vitesse à attendre selon les tabelles de la poudre A1 : 1,80 gramme de poudre pour 32 grammes de plomb donnant 405 m/s. Selon les recommandations du savant militaire, il fallait donc réduire la charge de poudre, nécessairement quand même au-dessus de 1,50 gramme (2), et il faut donc opter autour de celle-ci, sous une bourre liège classique comme autrefois.  

La vitesse est certes une bonne chose, mais il faut savoir que lorsque l’on tire à plus de 350m/s commencent les risques d’emplombage et la déformation des grains, là où la pression est la plus forte c’est-à-dire un peu au-delà de la chambre et à l’extrémité des canons, où commencent les chokes, et se mesure la vitesse la plus élevée. Là encore le bon général avait tout prévu : « …on peut diminuer notablement la déformation des grains de plomb en remplissant les interstices par une matière pulvérente et incompressible telle que le talc, la fécule ou en coulant du soufre ou de la résine sur la charge ».

Va donc pour le talc qui, des fesses des bébés va aller lubrifier la grenaille, parfumer les sous-bois, et amuser les copains vu le petit nuage de fumée blanche, à la passée du soir ! Attention, il ne s’agit pas de vraiment entrer dans l’alchimie compliquée et parfois dangereuse des charges « tamponnées » dont nous avons déjà abondamment parlé ici (3) mais d’y glisser une dose infime de cristaux minéraux (silicate de magnésium) plus légers que la fécule, et encaissant mieux la chaleur que les produits organiques (4), pour faciliter le glissement des plombs entre eux et sur les parois du canon.  

Ayant diminué la masse et la charge, reste à jouer sur le numéro de plombs où, du 6, il faut monter au 4 pour rester cohérent avec la charge plancher de 28 grammes pour le 12, face au gibier « moyen » susceptible d’être rencontré dans la saison : le faisan ou le colvert dans notre pays de bocage. N’ayant pas, bien sûr de chronographe à disposition, comparé aux vitesses des cartouches classiques (5), toutes en plomb de 6, on doit se tenir autour de 400m/s car il y a un peu moins de grains, mais plus gros. Pour le 16-65, même principe mais pour les mêmes raisons de gerbe moins fournie il faut rester au 4. A l’usage, ces cartouches 65 « maison » sont standard pour toutes les armes du râtelier, sauf les semi-autos à emprunt de gaz dédiés balle ou sauvagine, mais l’Auto 5 en 16, dont les bagues sont réglées faibles charges, les mange aussi.

1/Au posé, inutile de jouer avec les charges limites des « grosses » cartouches, celles du commerce y suffisent amplement, exemple la Tunet « haut vol » dont nous sommes depuis longtemps un fervent adepte, faisant régulièrement main basse sur les soldes des grands magasins de plein air. Pour faire plaisir aux collègues qui ont rendu service, ou répondre à une invitation impromptue, il n’y a pas que la « fillette » de rouge…

2/Pour les avoir « dépiautées » et dûment pesées, la RC Impérial Game et la Vouzelaud centenaire sont juste à ce poids de 1,50 gramme.

3/ Voir archive du 3 août 2020 sur les charges dites « buffers »

4/La plus originale charge tamponnée étant celle utilisée le 31 janvier 2004 par la veuve d’un expert en armes londonien pour une grande firme d’enchères, décédé à 50 ans de maladie, incinéré, et dont les cendres furent mêlées à des cartouches tirées par une vingtaine de proches, après quelques mots et prières par le curé du coin, dans un domaine près d’Aberdeen, en Ecosse. Encartouchées par une firme locale il s’agissait de 275 cartouches de calibre 12, 28 grammes, qui ont mis par terre 70 perdrix, 20 faisans, 7 canards et même un renard ! Une dame qui n’avait jamais tenu un fusil de sa vie a même tué 4 perdrix ! C’est ce qu’on appelle avoir…le feu "sacré" non ?

5/Voir essai page 62 de la revue Armes de chasse d’avril-mai-juin 2020 : la Fob plume, la Tunet platine, la Vouzelaud souveraine (bourre à jupe) sont juste au-dessus de 400m/s. La plus faible vitesse enregistrée (Hull Pheasant) est à 385m/s. Toutes sont à 32 grammes de plomb sauf Fob nature et Imperial Game à 30 grammes.