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26 mai 2022

Savez-vous jouer du call ?

Sauvaginiers de tous pays unissons-nous ! Même passion des oiseaux sauvages, même attrait pour les météos de misère, même emploi des cuissardes, à trimballer les formes devant la bonne bouille de "Bernie", le retriever qui met ses grosses pattes partout. Mais de la même manière qu’on ne pratique pas tout à fait chez nous en Baie du Mt-Michel, comme dans la Dombes ou sur le lac de Grandlieu, l’Arkansas ne pratique pas comme l’Illinois ou la Floride, et puis là-bas, surtout, il y a les « calls »…

call

En 1935, l’utilisation des appelants vivants fut interdite, et dès l’année suivante fut organisé à Stuttgart (Arkansas) le premier concours national d’utilisation d’appeaux, sorte de « superbowl » de cette activité qui, en fait, avait démarré bien avant dans l’Illinois où Fred Allen en 1863 lança les premiers sifflets entièrement métalliques. Cette région des Grands Lacs où les canards chassés par le blizzard venu du pôle, font étape en octobre, avant de rallier les eaux chaudes du golfe du Mexique par la fameuse baie de Chesapeake sur la côte Est en dessous de Philadephie, vit opérer les premiers facteurs de ces genres de « diapasons » donnant le "la" pour attirer les migrateurs.

call

Il y eût plusieurs générations de ces chasseurs passionnés qui commencèrent comme Philipp S.Olt en 1904, dans un poulailler, ou Fred Allen et son copain Charles I.Ditto, garde et chasseur pro qui copia son modèle « Eurêka » jusque dans les années 20. Le style de Victor Glodo, un immigrant français débarqué vers 1840, prit son essor grâce à un papier du journaliste Nash Buckingham en 1928, fut repris par sa vaste famille et influença Charles W. Grubbs (1848-1933) hôtelier et guide sur les rives du lac Senachwine, qui fit des publicités et commença à vendre dans la grande chaîne Montgomery Ward ou la vente sur catalogue Herter (ci-dessus à dr.). Dès 1885 David Fuller avait fait déposer un brevet d’appeau en buis de forme tonneau oies et canards, qui n’était plus le pince langue métallique malaisé à se coller sur les lèvres par grand froid, avec un peu plus tard (1904-1905) tout comme pour P.Olt, une vis à tonalité réglable permettant de moduler les appels.

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Les années trente virent une véritable démocratisation de la chasse « waterfowl » qui se réglementa fortement en vertu de la protection des espèces, la fin des chasseurs professionnels, de l’emploi des canardières de fort calibre, l’instauration de « bag limit » à la journée, et de la littérature « outdoor » magnifiant la chasse dans des espaces sauvages alors inconnus du grand public. On passa des rivières à courant de l’Illinois, aux plaines centrales du Dakota, aux rizières et bois inondés de l’Arkansas encore bien différents des eaux libres du lac Reelfoot au Nord-Ouest du Tennessee. Victor Glodo, dès 1890, quand le Big Lake Marsh commença à s’assécher était ainsi un des premiers passés en 1890 de l’Illinois au Tennessee, à transformer les « calls », d’outils nécessaires à attirer le gibier, à tout à coup devenir des souvenirs prisés, faciles à rapporter, et évocateurs de bons moments passés dans le « blind » au marais dans les bourrasques, puis après, bien au chaud, dans le « lodge » avec les copains.

Tom Turpin (1871-1957) de Memphis, qui avait commencé avec les gobblers, en 1920 fut un des premiers collectionneurs et vulgarisateurs de dossiers pédagogiques dès 1932 avec la publication d’une brochure « Ducks, how call them ». Dans le style Glodo, dépassé par la demande, notamment de son best-seller le modèle « three ducks » à grand alésage pour grandes étendues d’eau, il finit même par faire usiner une partie de sa production à New-York. Il influenca Earl Dennison (1889-1968) de Newben (Tennessee), toujours dans le style Reelfoot, pour qui, en 1915, ce n’était qu’un hobby, et qu’il vendait pour une bouchée de pain comme souvenir aux chasseurs de la grande ville de St-Louis qu’il accueillait à la jonction de l’Obion River et de la Forked Deer, là où ces deux rivières se jettent dans les eaux boueuses du Mississipi.

Dans l’Arkansas, à Buckpoint, James T.Beckhart (1864-1922) était un ancien cheminot, chasseur pro dans la zone de Big Lake, une dépression de 12 000 acres (presque 5000 ha) qui s’était constituée suite au tremblement de terre de 1811, et installé sur une péniche, accueillant dans 4 chambres les chasseurs de Nashville et Memphis, son épouse Bertha faisant la popote pour tout le monde. Les invités repartaient avec de jolis calls, sculptés à la main de chiens, fusils, canards, serpents vendus un peu à la tête, et la fortune du client de 2,50 à 35 $...et qui partent maintenant aux enchères à 100 000 $ la bête !

perdew

Charles Perdew (1874-1963) poussa le plus loin cette démarche esthétique de collectors « vintage » car il y ajouta de vastes compétences armurières, de fabrication de bateaux, et surtout des leurres. Etabli au bord du lac Saw Mill (Illinois) il tournait ses appeaux en bois précieux, cèdre, acajou, les marquait aux initiales de ses clients, ou dotés d’innovations comme les embouchures colorées ambre, vert ou rouge vif. A l’effigie de canards, (ci-contre à dr. ) ils étaient dotés de minuscules yeux de verre issus de sa technologie parfaitement maîtrisée des leurres qui se vendent maintenant à prix d’or, peints par son épouse Edna Haddon, véritable artiste animalière.

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Les compétitions et leur retentissement (invitations TV, portraits dans les trois grands magazines Outdoor Life, Field and Strean, Sports Afield) révélèrent de nombreux nouveaux artistes : Chick Major, champion 1945 et 1957 (ci-contre à g.) qui avait débuté en 1930 dans son petit atelier de Stuttgart (Arkansas) dont le « Dixie Mallard » fut la pierre angulaire des premiers acryliques en 1970. Son épouse et sa famille dominèrent les divisions féminines dans les décennies 50-70, sa belle-fille Pat Peacock étant même la seule femme à s’imposer toutes catégories en 1955-56-60. Ken Martin qui avait débuté dans le Sud de l’Illinois à la même époque passa à temps plein en 1960, notamment sur son modèle phare pour les oies « Martin’s Horshoe Lake Model ». Autres compétiteurs renommés Charles et Dudley Faulk, de Louisiane, grand pays de marais avec les Everglades, remportèrent les titres mondiaux en 1961 et 62.

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C’est de manière inattendue, par la pittoresque émission télé « Duck Dynasty » en 2011, mais lançée bien avant (1972) par Phil Robertson aux USA que nous sont parvenues les bribes de cet art typique des sauvaginiers américains où, il existe même une véritable littérature spécialisée sur le sujet, et par Etat (1). Assez différemment de chez nous où on se contente de bien placer les formes et appelants et de les laisser faire, comme des contrôleurs aériens il faut, au fin fond du Midwest, tout en agitant frénétiquement à bon escient la « jerkline », baliser la piste d’amerrissage par des appels doux et réguliers pour canaliser la pose, puis se lever et tirer, le tout dans un poste souvent bien encombré. Des complications qui ont expliqué certaines avancées majeures armurières qui ont fini par nous toucher pour avoir des retombées dans le monde entier (2). Mais jouer du « call » ne s’improvise pas car souffler de travers offre parfois, comme pour les corvidés, l’effet contraire, il faut laisser travailler les leurres, et c’est alors que le silence est d’or…

1/ Doug Lodermeier pour le Minnesota, Bob Christensen pour l’Illinois, R.Caldwell pour l’Arkansas.

2/ Les poses plus aléatoires et lointaines, virent, entre autres :  l’avènement des cartouches « Magnum » (chambres 76 et 89), des canons longs, des chokes serrés spéciaux, du développement continuel des fusils « à pompe » sur un siècle, et à partir des années 60 des « automatiques », quand le Browning Auto 5 qui avait saturé le marché depuis 1902 commença à s’essouffler. Accessoirement encore citons les camouflages, les leurres et toutes les chasses d’affût palombes, corvidés, qui bénéficient plus ou moins de la recherche-développement sur cet immense marché.

 

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