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FCM 25.00
29 mai 2022

Sans plomb ? Je garde mon vieux seize !

Dans le fil de quelques articles précédents (1) et la poursuite de notre plaidoyer pour la continuation de l’utilisation de nos fusils anciens, encore faut-il les replacer dans leur contexte. Si on veut pérenniser le souvenir d’une époque qui ne mérite pas mourir, il faut se pencher sur d'autres temps merveilleux où il suffisait d’enfiler les bottes, attraper le fusil et une poignée de cartouches.

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Poussant la porte, le braque sur les talons et l’itinéraire choisi, se présentait à vous un mélange d’opportunités : lapins, perdrix, faisans où, en allant un peu plus loin, s’envolait du pré mouillé un couple de sarcelles ou un ramier trop confiant qui vous avait laissé imprudemment approcher sous la futaie. Le calibre seize était le fusil du chasseur d’une seule arme où la billebaude représentait 80% de l’usage, le reste (migrateurs : gibier d’eau, palombe, grand gibier) étant occasionnel. Cette arme pratique avait connu son plein succès dans les années 20 où, la technologie de l’hammerless étant aboutie, pouvait tenir tête à moindre coût face à l’armurerie britannique, pour une chasse vraiment populaire. Elle fut victime de l’industrialisation et des modes qui changeaient : spécialisations des chasses d’affût, sporting, « magnumite » (2), se conjuguant avec trois catastrophes successives pour la chasse française : la myxomatose (1956), les décennies modernisation de l’agriculture (1970), réorganisations foncières et au final remembrements (1980).

lapin poursuivi

L’aspect pratique du seize réapparait de nos jours (3) car l’âge médian des chasseurs continue d’augmenter, et l’avantage des fusils lourds et puissants perd de sa pertinence quand le poids des ans s’ajoute à celui de l’arme : celui qui trimballe de moins en moins son MP 153 (4), en sait quelque chose…Aujourd’hui le déclin lent et continu de la chasse lié à la démographie et la guerre violente des écolos nous ramène aux valeurs d’antan et au meilleur du passé d’une chasse nourrie de traditions et de mesure. Le seize représente donc un peu l’idéal de la façon dont chassaient nos pères, et dont on a connu la fin, puis la transition qui a suivi.

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Raison de plus pour comprendre que qu’on faisait avec dans les années cinquante, uniquement à la bourre grasse dans trois catégories de cartouches : celles chambrées 65, sertissage demi-rond encore chargées de poudre « T » plus sèche au recul et à la détonation qu’actuellement, la 67 naviguant encore entre les deux chambres dans les charges moyennes, puis la 70 sertissage étoile carton puis plastique qui élimina peu à peu les précédentes. Le « magnum » (3 pouces : chambre 76) en 16 qui est un peu l’Arlésienne à laquelle certains auteurs imputent la tare mettant définitivement du plomb dans l’aile à ce calibre vétéran, exista néanmoins de manière confidentielle aux USA (voir illustration ci-dessous à dr.) chez Peters et Ajax, et même en France chez Kerné (4). Il vient d’ailleurs, tout comme le 28, d’être agréé C.I.P.

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Le 16 par rapport au 12 c’est bien sûr un alésage plus petit (de 16,8 à 17,2 mm 17 étant le plus courant contre 18,5 au douze) 85% de sa section transversale, mais surtout à égalité de charge (mettons 28 grammes la charge « carrée » du seize) une chaîne de tir plus courte de 33%, mais offrant la même densité qu’une douze de 36 grammes. C’est ce qui explique qu’on disait que « se portant comme un 20, il frappait comme un 12 », mais à une distance d’emploi plus courte que ce qui est admis de nos jours : 33 mètres contre 40 et plus. Comme on pouvait même la charger jusqu’à 32 grammes pour tirer les plus grosses pièces lièvres et colverts par exemple, seulement au prix d’un peu plus de recul dans des « deux coups » légers faits par une armada d’artisans (5), c’est ce qui fit le succès de l’Auto 5 dans ce calibre, lourd (tout acier) et compact (canons de 62) sa cinématique amortissant le coup.

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Sur nos fusils anciens, il faut donc tenir compte qu’ils étaient non seulement bien plus chokés que de nos jours, mais aussi qu’ils étaient prévus pour être tirés avec des bourres grasses et non plastiques à jupe, qui entraînent plus de pression, déformant les plombs et perturbant la distribution de la gerbe. C’est ce qui explique que notre vieux fripon de Philippon recrache dans tous les sens les belles cartouches modernes, et se gave de vieilles rombières cinquantenaires, par bonheur fort bien stockées par un lointain prédécesseur. Avec les poudres modernes lentes, les bourres grasses disponibles à Nontron, et au prix de certains sacrifices sur la vitesse-distance et en jonglant avec les substituts, le rechargement finira bien par lui trouver l’âme-sœur.

perdrix

Un seize ancien d’occasion pour une poignée de cerises à charge identique, mettons de 28 grammes sera certes talonné par un 20 Magnum moderne coûtant cinq fois plus, mais aura tendance à mieux modéliser la gerbe du fait de son alésage plus grand. Le seul ennui c’est peut-être au grand gibier, surtout sanglier, où les anciens avaient bien remarqué avec la chevrotine (3 couches de « 0 », 3 billes de 3 grammes soit charge de 27 grammes) était un peu faiblarde, ce qu’ont confirmé les analyses des balles modernes. A 100m une slug Federal Power Shok donne encore 2120 joules, contre 1050 en seize, la balle tombant de 438 à 350 grains. Sans s’imposer, ni jamais supplanter personne, le seize représente un bon compromis d’un peu tout, poids, recul, charge utile au tir. Le douze supportera mieux les grosses charges pour les spécialistes, les 20-28 seront idéaux pour les petits coups et un plaisir à porter et à tirer. Le 16 était parfait lorsque nombre de chasseurs basaient leur activité sur tout ce qui était disponible à leur époque, c’est-à-dire à peu près tout avec la même arme…le meilleur des deux mondes quoi !

gauge-16-ballistic-performance-5

1/Voir archives des 28 mars et 1 avril derniers.

2/Les premières cartouches en 12 Magnum furent introduites en 1921 par Winchester Olin pour le Heavy Duck Gun. Ci-contre à dr. les équivalences de charges en onces, pratiques pour lire les boites de cartouches qui, mondialisation oblige utilisent les mesures anglo-saxonnes. Pour les vitesses divisez par 3,3, et pour la puissance en joules multipliez par 1,36. 

3/Cette notion de juste équilibre que l’on voit sur la version moderne du Sweet Sixteen avec la « bosse » caractéristique mais l’inertiel et non plus le ressort centenaire. Franchi a fait l’Instinct dans la foulée du fameux Falconet, Fausti, Fair et Rizzini ont suivi.

4/ Voir archive du 5 février 2015.

5/ Derrière des nuées de Robust et Darne, citons Brun-Latrige, Maisonnial, Philippon, Bergeron, Picard-Fayolle, etc.  

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