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19 décembre 2022

Les vieux auteurs sont-ils toujours pertinents ?

1970 c’est l’apogée et la fin d’un âge d’or, non seulement de la presse et de la littérature américaine, mais aussi d’un état d’esprit où l’on accordait aux « gunwriters » une confiance absolue. Tous les grands magazines « outdoor » se retrouvaient partout, dans les general stores, comme dans la salle d’attente du barbier, et le fantasque cow boy Elmer Keith était plus connu que Maurice Genevoix chez nous. C’est de cette époque où la presse écrite n’était pas concurrencée par les vidéos, la TV et le Web, que datent la plupart des grands calibres désormais mondialisés.

un

 

L’association sur un même événement et le même cliché des deux farouches adversaires, (par presse interposée !), que furent Jack O’Connor et Elmer Keith se comptent sur les doigts d’une seule main ! Ils s’évitaient soigneusement sur toutes les conventions et « gunshows » organisés par les majors de l’armement, et leur signature ne fut associée sur la même revue, qu’une seule fois, pour le lancement de Petersen’s hunting en novembre 1973, et on ne les voit associés que sur cette  cette célèbre photo de 1954, où les journalistes spécialisés furent rassemblés pour un voyage marketing sur la fameuse Nilo Farm, et l’essai du semi-automatique Winchester modèle 50 qu’ils exhibent d’ailleurs tous fièrement…sauf le bon Elmer, toujours coiffé de son immense Stetson, mais sans son sempiternel havane, et tenant un « deux coups » sans doute un Winchester mod. 21.

De g. à dr. en bas : Ray Orvington, spécialiste de pêche à la mouche (auteur de « Tactics on trout »), Larry Koller plutôt versé dans le cerf de Virginie (« Shots and whitetails ») rédacteur-en-chef de Handloading, Tom Siatos (de Guns and Ammo), Peter Brown (de Sports Afield), Jack Seville auteur nautisme. En haut : Bill Edwards, une sommité dans les armes anciennes, John T. Amber (de Gun Digest 1951-1979), l’éditeur et armurier Peter Kuhlhoff, Warren Page (de Field and Stream), Jack O’Connor (Outdoor Life), et enfin Elmer Keith facile à reconnaître coiffé de son « ten gallons ».

deux

Winchester tentait d’entrer sur ce marché déjà bien occupé notamment par Remington et être compétitif en ayant mis à contribution son fameux ingénieur D.M.Williams, travaillant sur un brevet de l’ un des fils de John Moses Browning, et la fameuse culasse flottante associée à un court recul du canon (0,25mm). Introduit en 1954, il fut abandonné dix ans plus tard malgré une tentative en 1959 de l’améliorer à base de matériaux modernes, et surtout doté de chokes interchangeables. Voir sur cette arme notre archive du 10 novembre 2018.

trois

Tous ces grands auteurs étaient probablement là où la chasse était la meilleure, ils expérimentaient manuellement, en descendant plutôt qu’en montant l’escalier en recherchant les signes de pressions, puis en réduisant peu à peu la charge, et c’est ainsi que la plupart des données balistiques furent élaborées avant 1960. Les auteurs de « wildcats », faisaient acheter au vulgus pecus des calibres mirobolants qui avalés, et digérés par les usines, n’avaient plus le même attrait, mais permettaient aux jeunes chasseurs de s’identifier à leurs aînés en grandissant. De tous ces pièges émotionnels du passé, seule la querelle Jack O’Connor-Elmer Keith est parvenue jusqu’à nous, trop simplement résumée à l’affrontement balles lourdes et lentes contre, légères et rapides.

quatre

C’est difficile à comprendre en France, mais Jack O’Connor fut certainement l’écrivain-chasseur le plus influent de tous les temps. En 1960, où il opérait à Outdoor Life, Warren Page (Field and Stream), et Peter Brown (Sports Afield) étaient certes des concurrents sérieux, mais il alliait à sa plume magistrale (ce fut le premier prof de journalisme de l’Université d’Arizona) une bonne idée de ce que demandait « Joe », le chasseur moyen américain. On peut penser que c’est de là qu’il « poussa » dans ses écrits le 270 Winchester, estimant avec raison que « Joe » serait plus précis avec une arme légère et un calibre plat aidant au placement, facteur qu’il jugeait primordial pour une chasse réussie, et avec la première balle technique, la Nosler Partition. Sa pensée moderne est toujours actuelle, les cartouches qu’il appréciait sont encore meilleures aujourd’hui et on peut penser qu’il aurait aimé une nouveauté comme le 6,5 Creedmoor de nos jours.

cinq

La technique s’étant accélérée en cinquante ans, nous sommes devenus consommateurs de produits spécialisés et il était plus facile d’être lyrique sur la naissance d’un chiot à la Gene Hill, ou à la passée du petit matin de Gordon McQuarrie, que décortiquer le dernier gadget armurier. Finn Aagard et Peter Capstick étaient de fantastiques conteurs africains, Havilah Babcock ou Vernon Spiller chantres de la chasse des hautes terres, et Elmer Keith un showman influent sur les armes et calibres car il avait l’oreille des grands fabricants de l’époque. La polémique armurière et balistique avec Jack O’Connor, fut, en fait bien plus terre à terre qu’on pourrait le penser au prime abord, car ce dernier succéda comme rédacteur-en-chef d’Outdoor Life, à Charles Askins senior, un copain de Keith diminué par l’âge, ce dernier faisant les papiers à sa place et pensant peut-être au final, le remplacer ! Le fils de ce dernier, Charles Askins junior personnage controversé (1) alimenta bien sûr la cabale contre cet « intello » à l’éclatante réussite, ensuite jalousée par Keith, et aiguillonnée par ses thuriféraires puis l’ensemble de la presse qui se frottait les mains car le « buzz » comme on dit de nos jours, faisait monter la vente en kiosques. A la fin de sa vie, le vieux cow-boy Elmer s’enferra dans ses impasses balistiques qui, de nos jours, datent un peu, mais continuent d’alimenter et font le miel des connaisseurs…pour la plupart chasseurs largement octogénaires de nos jours !

Difficile d’apprécier les gens d’hier avec les mœurs d’aujourd’hui, mais il existe encore par bonheur aux Etats Unis des auteurs qui ont comblé le vide laissé béant par ceux de la génération d’avant. Comme Phil Schoemaker, guide, éleveur, prospecteur du Grand Nord, avec une vraie expérience de la vie sauvage, ou John Barsness (2). Ils ont des magazines « en ligne » qui, comme autrefois, reflètent un maximum d’opinions catégoriques et factuelles que les lecteurs suivent encore comme paroles d’Evangile. Ils ne se limitent pas à (bien) raconter de belles histoires de chasse expliquant indirectement la méthode et le matériel. Loin des descriptions techniques des catalogues de style automobile, ils aident à comprendre, comme hier, les tenants et les aboutissants de la Chasse où le style, mais aussi la fumée d’un havane, les effluves d’un vieux scotch, et le vent et la pluie qui vous fouettent le visage vous parviennent aussi, en sus, comme cadeau…

six

1/Charles Askins junior (1907-1999) est la légende « noire » du gunwriting US (collaborateur de American Handgunner, American Rifleman entre autres) avec son livre controversé « Unrepentent sinner ». Son comportement comme patrouilleur le long du Rio Grande face aux gangs puissamment armés, en Rhodésie face aux braconniers, au Vietnam où il était conseiller militaire n’hésitant pas à provoquer une embuscade dangereuse, (rien que pour essayer le SW 44 Magnum !), s’accompagna de nombreux décès qu’il pouvait légalement, mais non moralement justifier. Il avait lancé sa carrière sur une polémique fameuse avant-guerre lors des épreuves de Camp-Perry de 1937 qu’il remporta  comme responsable de l’équipe de la police des frontières, avec un Colt Woodsman 22 LR bidouillé (ci-contre à dr.) pour tirer à percussion centrale qui était obligatoire. Avec l’aide de l’armurier F.Pachmayr, il utilisa une base de vieille munition française (5,5 Velodog) baptisée 221 Askins, raccourcie aux dimensions 22 LR, le gros du boulot étant de déporter le percuteur au centre.  L’avantage de cette arme légère, était bien sûr évident face aux lourds revolvers en 38 Special pour ce tir de vitesse comptant pour les deux tiers de la note globale. La NRA dans l’urgence, et sans pouvoir modifier le règlement à la hâte, lui conserva difficilement son titre, mais le modifia l’année suivante, limitant l’épreuve au calibre 32…Et pour le conserver il démissionna immédiatement de la Border Patrol qui, bien sûr, ne pouvait, en tant qu’organisme officiel, décemment avaliser l’affaire.

2/Ecrivain du Montana, il écrivit son premier papier à 21 ans pour Sports Illustrated, et tient depuis 1990, un magazine en ligne (Rifle lonely news). Il est auteur de 10 livres, 1500 papiers dans différents magazines, et intervient le plus souvent sous pseudo sur plusieurs forums US documentant cet âge d’or de la presse outdoor.

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