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11 mars 2023

Georges W. Sears "Nessmuk" (1821-1890) : voyager léger

Avec Horace Kephart (1) qu’il précéda de peu, c’est un peu l’Ancien et le Nouveau Testament du « bushcraft » ce camping léger se teintant d’un brin de survivalisme de nos jours, mais qui était à l’époque imprégné des idéaux « écolos » du XIX è siècle finissant dont nous parlons ici. Par rapport à Thoreau, Emerson ou John Muir contemporains (2) ces deux précurseurs sont considérés à tort comme des écrivains mineurs, leur philosophie ne s’écrivant pas à la première personne, et entrelacée dans des instructions pratiques et lucides, que devraient relire nos « verts » actuels. La Nature, à l’image de la vie sauvage étant plus souvent un ennemi mortel et un combat perpétuel, qu’une mère accueillante et protectrice…

un

Originaire du Massachussets, c’est après une vie bien remplie que Georges Washington Sears proposa en 1860 son premier article pour le New York City Sportsman’s Newspaper. Il avait bourlingué une bonne douzaine d’année dans tous les états de l’Ouest : pêcheur professionnel au cap Cod, baleinier en 1840 à la même époque qu’Herman Melville, débarqué après de mauvaises fièvres aux Açores et rapatrié grâce à l’intervention du consul. En 1850, il fut chasseur professionnel pour les cheminots de la ligne du Michigan, aidé par les Indiens Chippewas dont il appréciait la culture. Ces derniers incarnaient un mode de vie en adéquation avec la Nature qui durait depuis des milliers d’années, et il prit comme nom de plume « Nessmuk » en souvenir d’un adolescent amérindien qu’il avait côtoyé dans sa jeunesse.

deux

Sergent pendant la guerre civile (1861) et blessé au pied avec les « sharpshooters » de Pennsylvanie, il vint soigner sa tuberculose dans les Adirondacks au Nord de l’Etat de New-York à partir de 1880 où il commença à théoriser, étant de petite taille et de mauvaise condition, des déplacements en canoë léger, et un camping « light » un terme à relativiser cependant avec ce que ça implique avec nos normes modernes. Correspondant pour « Forest and Stream » (3), son seul livre « Woodcraft and camping » (1884) fut un best-seller édité jusqu’en 1963 ! Son dernier voyage en 1887 en Floride sur la rivière Halifax lui fut fatal car il y contracta le paludisme, ce qui ajouté à l’asthme et à la tuberculose qui l’accompagnaient depuis sa jeunesse, ne pouvait faire bon ménage.

trois

Il fut pour les Adirondacks et la Pennsylvanie (où une montagne et un lac portent son nom au Sud de Wellsboro), le pendant d’Horace Kephart pour les Smoky Mountains de Caroline du Nord. Les adeptes actuels du « bushcraft » dissertent à l’infini de la « triade Nessmuk » dont Dave Canterbury dans la fameuse émission TV « Dual Survival » est un grand fan. C’est la base de départ pour couvrir les besoins du pêcheur, du chasseur, du randonneur, à savoir : la hachette à double tranchant, le couteau fixe, et le canif pliant à deux lames. Dans ce trio, la hache à double tranchant était la plus commentée, Nessmuk avait mis 12 ans à la définir précisément avant de la faire fabriquer à grand frais par Bushnell à Rochester. Elle comportait un côté fort pour couper les racines et grosses branches, voire les os du grand gibier, et un côté plus fin et tranchant pour bâtonner, manger et même couper la viande.

quatre

Comme le disait à sa suite Horace Kephart «…l’idée qu’un couteau lourd puisse faire le même travail que la hachette est une illusion, et son choix judicieux est aussi critique que celui de l’achat d’une arme à feu ». Comme couteau ils bannissaient tous deux l’emploi du Bowie (4), et proposaient une lame courbe à l’imitation mais en plus fort, notamment pour Kephart, des « skinners » de la Green River. Le petit pliant venait en complément pour toutes les petites tâches du camp. Longtemps éclipsés par la popularité des couteaux style combat des deux guerres, ces lames reviennent en force dans la panoplie du « campeur » moderne.

Dans la longue cohorte des « Nature writers », ces deux noms connus voici une dizaine d’années des seuls spécialistes des armes blanches ou du « survival », viennent peu à peu se glisser dans le sillage d’Henry Thoreau, Aldo Leopold, John Muir ou plus près de nous Rick Bass. Leurs combats comme la défense de la pêche à la mouche en 1883 avec Charles Orvis ne furent pas toujours compris, et même parfois snobés, le best-seller de 1884 pouvant être compris par la bonne société comme le vade me cum de ceux qui n’avaient pas les moyens de se payer un guide professionnel !

cinq

Ils prophétisaient et constataient déjà, avec la déforestation et la disparition des espèces sauvages, les méfaits de la civilisation industrielle américaine naissante. Leurs écrits n’étaient pas des idéaux romancés sur la relation de l’Homme à la Nature, et il fallait lire soigneusement entre leurs longues explications techniques, pour y trouver une idéologie encore balbutiante. A ce tournant du siècle, l’individu même outrancier selon nos normes actuelles, (où on pouvait prélever un cerf pour son gigot et laisser le reste de la carcasse aux bêtes sauvages), laissait encore une empreinte faible sur le milieu. « Quand la camisole de force de la civilisation devient trop oppressante, je la rejette, et je m’adonne à la sauvagerie, et là où je pars je rafraîchis mon âme » …une considération que pourraient partager bien des chasseurs non ?

1/ Voir archive du 15 mai 2021.

2/ Décédés respectivement en 1862 (Thoreau), 1882 (Emerson), 1914 (Muir).

3/ Magazine fondé en 1873 par Charles Hallock, qui fusionna en 1930 avec Field and Stream.

4/ Sur le Bowie knife voir archives des 7 octobre 2015 et 8 mai 2021 ; sur son emploi en duel par le fameux Jim Bowie, héros malheureux du combat d’Alamo, voir archive du 10 mai 2021.

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