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FCM 25.00
4 juin 2023

1500 m/s : le graal des seventies !

Les travaux sur les petits calibres rapides qui se sont développés bien avant la Grande Guerre connurent leur apogée dans les années 80, poussés tout autant par les compétitions de bench rest ou tir à longue distance, que les chasseurs de « gophers », « chuckers » et autres chiens de prairie. Le fameux article « Faster than the Swift » de Jim Carmichel pour Outdoor Life (mai 1984), associé aux premiers calculateurs balistiques sur ordinateur Radio-Shak TRS 80 couronnant l’ensemble de cette foisonnante œuvre armurière.

22mac1

 

Les « wildcatters » que furent Donaldson (et son 219 Wasp), Wotkyns (un des initiateurs du 22-250), étaient aussi des chercheurs qui ont tous tourné autour de la même idée : plus grosses cartouches pour plus de poudre sur petits projectiles, et une quadrature du cercle impossible à résoudre car plus on réduit l’alésage, plus celle-ci est difficile à brûler. Tout l’entre-deux guerres bruissait des travaux de Niedner, C.Newton (1), de calibres comme le 22 Savage Hi Power, ou du 220 Swift le plus rapide du monde à sa sortie : 1220m/s en 1935. Plein d’avancées sont nées de cette époque : limite des vitesses de rotation, températures des gaz, influences des ondes de choc, formes des cartouches. Le monde des ordinateurs, de la CAO, la technologie des balles et des poudres a peu à peu, emporté tous ces empiriques, et on arrive même maintenant en fin de cycle des petites balles (6 PPC, 6 BR) employant peu de poudre pour aller aussi vite.

flintst

P.O. Ackley lui-même (2) dans les années soixante, pionnier des minuscules calibres en « 17 » (3) se heurta au « mur » des 1500m/s en 1960 avec quelques cartouches de laboratoire aux noms humoristiques (22 Eargesplitten loudenboomer, et 17 Flintstone Super Eye Bunger) ci-dessus à dr. en partant d’une cartouche de 378  Weatherby Mag surmontée d’une petite balle de 50 grains qui ne put dépasser 1400m/s. et une autre de 22-250 à balle de 25 grains. Pour cette dernière, l’Australien Bill Hambly Clark parvint à tirer 1462m/s mais dans un canon de 52 pouces (1,30m !) qu’il fallait remplacer tous les 100 coups.  La technologie des balles atteignait ses limites à ces vitesses extrêmes où la force centrifuge combinant régime et vitesse de rotation désagrégeait la veste et entraînait le noyau vers le bas. On observait un effet traçant gris bleu du plus bel effet mais involontaire, et en cible des cernes gris sur les impacts montrant une amorce de liquéfaction du plomb !

Zip, 22-250 swift

Le 30-30 avec sa prolifération de laiton disponible entraîna une débauche de « wildcats » (219 Stingray, 219 Zipper, 219 Wolverine, 219 Donaldson Wasp, 22-250 AI) toujours très rapides mais plus sages avant que le 225 Winchester, tienne trois ans (1964-67) le haut du pavé, puis que Remington finisse par adouber le 22-250. Des calibres étranges virent le jour comme le 22 Wasp avec balle de 47 grains sur douille 303 British, ou le 22 Prairie Dog Killer (50 grains, 1150m/s) par RW Winett sur douille 6,8 SPC, démarche suivie pour le 22 Nosler sur le 223 Remington. Le 17-32 Mag (balle de 20 grains, 1000m/s), équivalent au 17 HMR récent, venait d’un employé de Sierra ne sachant que faire de vieilles douilles de 32 HR Mag ! Le 22 CHeetah de Jim Carmichel, fameux gunwriter, sur étui de 308 BR rétréci et col soufflé pour balle de 223 parvint à atteindre 1545m/s et un projet de l’ US Army sur base 30-378 Weatherby Magnum avec balle en alliage spécial de 90 grains était prévu toucher les 2000m/s. Ci-contre à g. 219 Zipper, 22-250, et 220 Swift.

Il convient de s’attarder un peu sur ce « Guépard » dont la genèse est fort bien documentée, Jim Carmichel étant d’une part le successeur du grand Jack O’Connor à la tête de la prestigieuse revue Outdoor Life, mais aussi un tireur émérite qui tint un moment (2013 au Shamrock shot en Géorgie) le record du monde de précision à 100m sur 5 coups : 0.132 pouce soit quelques pages de magazine ! Les deux premières majuscules de sa terminologie exacte 22 CHeetah relevaient de ses deux concepteurs, le second n’étant autre que Fred Huntington patron de RCBS firme lançée en 1943, abréviation de « Rock Chuck Bullets Swage », le minuscule chien de prairie étant donc d’entrée le premier visé dans l’intitulé même de l’entreprise…La première mouture employait une version particulière de 308 épaulement 40° à petite amorce Remington (308 WRBR introuvable de nos jours) supportant mal le froid et la pression élevée, et fastidieuse à former au feu. La seconde, épaulement 28° profitait de l’excellent laiton 243 Winchester qu’on trouvait partout, filière largement éprouvée par le 22-243, et le 22-243 (1960) de l’armurier californien Paul Middlestead. Là, l’épaulement était de 30° et un cou d’étui plus long donnant plus de flexibilité à l’installation de la balle de 50 grains. Il n’y avait pas besoin de souffler au feu, on atteignait 1250m/s avec la balle de 50 grains, 1120 en 60-65 grains, des taux de torsion variant de 1/6 à 1/9, la vitesse résiduelle à 300 m. (780m/s) vaporisant littéralement les petites bestioles. Mais l’énorme volume de gaz chauds faisait souffrir les canons dont la durée de vie n’excédait pas 1500 coups…soit une dizaine de jours d’utilisation dans cette chasse où il n’est pas rare de tirer 100 cartouches par jour !

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Ce calibre, poussé par une grande plume de la fin de l’âge d’or des « gunwriters » rapprocha deux mondes qui étaient encore étrangers, ceux de la chasse et du bench-rest avec la floraison de 22 à percussion centrale très rapides : 220 Jaybird de l’armurier de Caroline du Sud Keith Jarrett, un 22-243 angle d’épaule 30°, balle 69 grains 1107m/s ; 22 Dasher sur 6 BR à cou abaissé et soufflé, balle de 80 grains 1030m/s ; 224 Vias sur base 6,5X55 balle de 70 grains et 1257m/s. Mi 1998, A-Square soumit au SAAMI l’équivalent nord-américain de notre CIP son 6,5-08 au moment où Jim Carmichel participait aux travaux sur le 260 Remington encore appelé 6,5 Panther. C’était un 7-08 rétreint à 264 censé combler l’écart entre le 243 et le 7-08. Le 6,5 Creedmoor, bien connu de nos jours est un peu le rejeton du rapprochement de ces deux mondes.  

Actuellement, les balle « usine » les plus rapides à usage disons « normal » et non de recherche pure, est le 204 Ruger (1280m/s) suivi de près par le 22-250, 220 Swift, 17 Remington (1971). Tous ces calibres usuels des adeptes du varminting ou tir des nuisibles dans la lutte « anti parasitaire », ont rangé cette approche artisanale et pointue de la balistique dans le rang des sports onéreux et exotiques. A l’approche des 1500m/s, c’est le canon lisse qui permettrait le mieux pour une grosse énergie de pousser un projectile ensaboté entraînant moins de friction, moins de résistance liée aux rayures, et plus de vitesse avec des propergols ou, ni plus ni moins…des explosifs ! L’effet gyroscopique étant alors obtenu, comme pour les projectiles antichars des blindés, par le déploiement d’ailettes dès la sortie du canon.

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Le bench rest a en effet changé la face du tir de chasse qu’il s’agisse du design des armes, des munitions, et même de la façon dont on entretient désormais son fusil. Ses incessantes recherches ont mené à des voies sans issues et des « missions impossibles » au moment où les technologies (des poudres, de la métallurgie, voire de l’informatique) ne pouvaient pas suivre. On lui doit la prolifération des canons flottants, le bedding, la fabrication de balles spécifiques (une bonne douzaine, rien qu’aux USA), les crosses composites puis carbone et même maintenant hybrides bois-fibre. Les produits d’entretien se sont adaptés et les fabricants d’optiques se sont calés sur ses critères de précision. Les grandes marques d’armement qui, auparavant éludaient ou entretenaient le mystère sur la précision (« selon nos critères » !) qui pouvaient varier de 3 à 5 pouces, jugés bien suffisants dans un placement de ballon de basket ont dû ouvrir les yeux. Les compétitions ont permis au public de demander des comptes, la MOA fait maintenant partie du langage de tout le monde. Et si selon la belle formule entendue sur les pas de tir « 100 mètres prouvent l’équipement, et 200m le tireur », pour le chasseur même moyen, toute précision inférieure à 1,5 MOA sera bien « la cerise sur le gâteau » pour faire face à toutes les opportunités.

 

1/ Voir archives des 19 novembre 2018, et 21 janvier 2019.

2/ Voir archive du 29 mai 2019 sur la biographie de « l’armurier de l’Amérique ».

3/ Il développa les 17 Bee, Hornet, Javelina, dans son ouvrage de 1959, puis dans son second volume (1966) : les 17-30, 17 Mach IV, 17-22.

 

 

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